Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 20 août 2013

Ces partis qui préfèrent complaire aux “vraies gens” plutôt qu’écouter les Prix Nobel… (Marianne Belgique du 22/06)

 

Balise Médiapolitique parue dans Marianne Belgique (22/06/13)


Devinette: quel est donc le parti qui,  dans ses promesses électorales de 2010, s’engageait, rouge sur blanc, à …“dégonfler le mythe du corps parfait” ?
Christian De Duve.
Une promesse de bazar comme toutes les formations politiques ont pris le pli d’en compiler par containers lorsque s’approchent des élections. Car c’est là l’un des phénomènes de cette époque de paupérisation du discours politique: désormais les partis veillent à d’abord adapter leur offre aux demandes des électeurs, à ce qu’on a baptisé –sans rire- les “désirs citoyens”. Il s’agit de donner aux “vraies gens” ce qu’ils attendent. Pas de grand dessein politique, surtout pas une vision globale: juste des envolées lyriques pour faire illusion et des puzzles de réponses ad hoc à une foultitude de préoccupations sectorielles. D’ou ces programmes-catalogues insensés ou tout parti se doit de dire un mot sur la prévention du suicide, la revalorisation de l’infirmier, la nécessité (sic) de “garantir des voyages de qualité” ou de lutter “contre les troubles alimentaires”…C’est fou ce qu’une élection peut faire vendre de timbres postaux ou générer de mails: toute asbl, toute chocheté, tout groupe de pression se doit d’adresser ses fixettes, ses  mémorandums interpellateurs aux partis. Et là, en 2010,  “Elio” ou “Joëlle” (en politique, n’utiliser que le prénom atteste de leur proximité, de leur similitude avec ces “vraies gens”) signaient encore des centaines de réponses concoctées à la chaîne par des collaborateurs saturés.

Peu avant sa mort, feu notre Prix Nobel Christian de Duve avait tout dit: “Les politiques ne consultent pas les scientifiques. Je n’ai jamais eu mon mot à dire. M. Di Rupo n’a jamais demandé mon avis.”.

Le constat était on ne peut plus juste: les partis ne font plus que très marginalement appel aux intellectuels, aux savants, aux intelligences extérieures. Et pour cause: leurs programmes attrape-tout visent les “vraies gens”, avec un p’tit mot pour chacun. On racole large quand on gouverne le nez sur le guidon de sondages pourtant erratiques et contradictoires.

En 2013, évolution:  la tendance médiapolitique du moment, c’est le “retour aux sources”, “vers la base” ou “vers la gauche” pour ce qui est des socialos. Comme par hasard, voici  que les deux partis socialistes, le CD&V et les libéraux flamands de Gwendolyn Rutten y vont tous de leurs réunions de refondation. Et, souvent, de leur p’tit livre mis à disposition de tous les membres pour  en débattre. Le dernier du genre est celui de la présidente de l’OpenVLD.  Dont les références sont aussi multiples que surprenantes (ça va de l’agent Mac Gyver à l’Agence Tous Risques en passant par Apple , Google et un détour par Tomáš Sedláček, le brasseur d’idées de Václav Havel)

Tout ça pour quoi ? Pour, à l’instar de tous les autres partis (le CD&V a son “Iedereen Inbegrepen” (Tout le Monde inclus), ratisser encore et toujours au plus large.

Le hic, c’est que ce genre de bulles programmatiques (“réduire la fiscalité, “défendre les demandeurs d’emploi”) supposent de la crédibilité: et pas qu’elles s’évaporent comme bulles au soleil dès lors que le parti concerné est au pouvoir.

Ah oui, la promesse de “dégonfler le mythe du corps parfait”, c’était un texte PS de mai 2010.

Et ce qui n’est assurément nullement dégonflé depuis, c’est le poids immense de la N-VA. Qui, quoiqu’en en pense, a en tout cas assurément, elle, un grand dessein politique controversé: une vision claire pour la Flandre, fut-elle jugée brutale par d’aucuns. Et ceci explique peut-être finalement bien un peu de cela, non ?



Michel HENRION.