Balise Médiapolitique parue dans Marianne Belgique le 10/08/13
Fut-il un brin en déshérence,
le phénomène de la puissance politique des éditorialistes flamands se complète
désormais, en Flandre, d’un nouvel axe médiapolitique. A savoir une déferlante,
sur les plateaux télé ou dans les colonnes de la presse du Nord, de managers et
d’économistes très médiatisés et aux avis souvent ravageurs. Leurs noms sont
quasi inconnus des francophones: un Geert Noels (Gestion de patrimoine), un
Marc Coucke (CEO d’Omega Pharma), un Jan De Nul (Dragage), pour qui “il y a 3
millions de fainéants en Belgique” ou encore un Jos Vaessen (Radiateurs) qui
voit le pays virer “version light de la Grèce ou du Portugal avec un million de
chômeurs dans les dix ans”. Tous contribuent au climax d’une Flandre obsédée
par son déclin et ses handicaps de compétitivité dont le fédéral belge n’aurait
que faire...
L’actuelle polémique sur le
soutien ou non des médias flamands à la N-VA est somme toute absurde: en
Flandre, tout ce qui se dit, se voit et s’écrit sur l’économique et le social
recoupe, mine de rien, assez largement les mélodies de la N-VA. Un terrain tout
bonus pour De Wever qui ne se privera pas de mettre en avant “toutes les
réformes d’intérêt général dont le PS ne veut pas” et qui, habileté, sont
justement aussi celles voulues par l’Europe. Terrain qui convient aussi à Kris Peeters, le “numero uno”
censé pouvoir limiter les dégâts du CD&V. Tellement bon manager des
intérêts flamands que l’homme en apparaissait jusqu’ici intouchable et
politiquement indestructible. Même si le bilan de son Gouvernement flamand,
sans cesse en incandescence, n’est guère reluisant.
C’était compter sans un autre
économiste controversé, Ivan Van de
Cloot, dont les déclarations intrépides
et les posts émotionnels ont secoué, ces temps ci, les médias sociaux du Nord.
Avec cette question pas
triste: lors de sa toute récente mission à Houston, Kris Peeters a-t-il, oui ou
non, dans un geste significatif, menacé d’un revolver imaginaire des
journalistes portés à évoquer la déconfiture de Dexia, ce ruineux scandale
d’Etat si joliment managé par quelques aventuriers au sein du CD&V et du
sommet d’une ACW (Mouvement Ouvrier Chrétien flamand) soudain déconfite.
Bref, y a-t-il eu
intimidation politique, histoire de protéger les intérêts du CD&V et de sa
constellation de pouvoirs?
Et l’économiste de
s’interroger sur ce pays d’Omerta et de connivences où on cache vite sous le
tapis tout ce qui peut gêner. A nouveau tout bonus pour la N-VA, qui adore
cultiver l’anti-système et rêve de flétrir le pilier social-chrétien.
Indignez-vous! sera le message.
Le plus intéressant à
observer, c’est que Bart De Wever et Kris Peeters, -qui ne parle pas de
“confédéralisme positif” par hasard- se sont en fait toujours fort ménagés. Le
président de la N-VA n’attaque jamais vraiment le Ministre-Président flamand:
on s’en prend plus subtilement au CD&V en général. C’est kif la même
tactique de com’ subtile qu’à
Anvers, sans attaque frontale contre l’ancien bourgmestre Patrick Janssens.
Ces deux hommes là ne
s’affrontent jamais vraiment. De Wever a besoin de Peeters car une entente
relative est cruciale pour l’après mai 2014, au risque de tout perdre. Et Kris
Peeters sait pertinemment bien que ce que veut De Wever, c’est d’abord saquer
et exclure les socialistes d’un front flamand (N-VA +CD&V et OpenVLD si
besoin)
C’en est en tout cas fini,
médiapolitiquement, du sirop de rêve pour Kris Peeters: l’homme aura à
encaisser, à l’instar d’un De Wever, ses doses de critiques et d’attaques.
Notamment pour ce qui est de l’impuissance visible de Peeters à bouger les
meules pour ce qui apparaît vital et crucial au Nord: le coût salarial.
En son temps, le CD&V de Jean-Luc Dehaene fut,
soudain, électoralement surpris par la fameuse crise de la dioxine. Un ressac
économique de plus au Nord, une fermeture symbolique spectaculaire avant le
scrutin, et le CD&V pourrait bien connaître cette fois sa crise impromptue
de la compétitivité.
Michel HENRION