C’est la formule qui s’impose: donc, le Grand Débat Paul Magnette-De Wever, aurait été “équilibré”. Certes, on peut y souscrire. Mais les poids mis sur chaque plateau de la balance ne sont pas forcément identiques…
Brève tentative d’analyse vite faite après avoir revu l’intégralité du
débat L'Echo-De Tijd (que d’aucuns, emportés par leurs passions ou leur militantisme,
commentent sans l’avoir même visionné).
- C’est, en fait, la
première fois que Paul Magnette est apparu comme vraiment président du
PS (excellent pour lui en interne de son parti).
Extrèmement bien préparé- avec une telle artillerie d’éléments de langage
qu’elle cassait parfois un naturel volontairement (et faussement)
détendu- il l’a sans doute emporté au final pour ce qui est de la
forme. (première mi-temps très performante, moins maîtrisée en seconde partie)
Nourri
de statistiques, y compris de la FEB, Paul Magnette ne s’est cependant
pas résolu, dans sa stratégie, à attaquer De Wever sur le “fond” de la N-VA. Juste une prise de distance (“des discours de café du commerce”) restant, somme toute, à la surface de ce qu’est le parti nationaliste.
-Pour
ce qui est des faits, avantage plutôt à De Wever, fidèle à sa
traditionnelle stratégie de com’: l’idéologie est mise en retrait, en
donnant toujours le sentiment, à tort ou à raison, que ce qu’il propose
n’est d’évidence que pure logique. (les “économies-fantôme” du gouvernement Di Rupo, les prépensions, etc…)
-Bart De Wever avait opté pour une stratégie assez claire: pas de tentative, cette fois, de mettre l’adversaire au tapis par un “knock out rhétorique” mais une très forte préparation sur le fond.
Pour
ce faire, De Wever a rationalisé; certes à sa manière, mais avec des
faits (dépenses de santé, différence de 25% du coût du travail avec
l’Allemagne, pression fiscale, 12.000 faillites…), des chiffres, ces
derniers étant jugés souvent bien plus importants au Nord qu’en culture
francophone.
Et là, Paul Magnette n’a pas toujours pu démontrer qu’il n’y avait pas, de fait, de nécessité de changement (le “verandering”
N-VA). Ce n’est que sur le chapitre des hauts revenus que le président
ff du PS a pu marquer des points et montrer que ses propositions
n’étaient pas utopiques et que les
riches n’allaient pas forcément fuir le pays en courant pour autant…
-Paul
Magnette croyait-il tout de même pouvoir dialoguer? Ce furent en fait
comme deux aimants qui se repoussaient, Bart De Wever en faisant souvent
trop dans le ton propagande électorale (ah, la citation récurrente des
statuts du PS)
-Bart de Wever, autre différence, n’a pas fait que
de la polarisation anti-PS wallon pour électeurs potentiels. Il s’est
aussi servi de l’occasion à grand retentissement médiatique qui lui
était
donnée pour se positionner en Flandre, cassant au passage bien du sucre sur les libéraux ou les écolos du Nord.
Opportunité
politique que Paul Magnette, lui, n’a pas saisie, gommant MR, PTB et
autres concurrents francophones de son discours.
-La faille de Bart De Wever? S’il a bien vendu son “modèle de société”,
on ignore toujours où il ira trouver les sous pour le réaliser! Il est
vrai que la N-VA ne dévoilera son programme que ce 8 avril, mais on
était d’évidence très fort dans le flou. Est-ce réaliste, réalisable,
tout ce que De Wever propose ? L’électeur flamand n’a toujours pas
d’éléments détaillés.
-La faille de Paul Magnette ?
Moins maîtrisé dans la seconde partie du débat, il s’est laissé aller
parfois à, mine de rien, valider involontairement les thèses
confédéralistes de la N-VA, notamment pour ce qui
est de la régionalisation des boni de logement .
(c’est un passage que la VRT a d’ailleurs choisi de mettre en évidence:
http://www.deredactie.be/cm/vrtnieuws/2.32804/MV_140403_MDW_Splitsen)
Ou, bien plus ennuyeux, lorsqu’on l’a interrogé sur la nécessité ou non de disposer d’une majorité en Flandre.
-"Ca ne nous regarde pas!” a lâché Magnette, de manière un peu trop coupante .
“C’est du “séparatisme pur sang” rétorqua aussitôt De Wever, ne loupant pas la faille, sous-entendant que les fameuses “deux démocraties” font déjà bel et bien partie mentalement de l’ordre des choses, même pour le PS du “belge Elio Di Rupo.”
Là,
le président ff du PS a d’évidence manqué d’empathie vis à vis du
public flamand, donnant cette impression, touchant ce point si sensible
au Nord, que les francophones veulent toujours minoriser les souhaits -
bien au delà de la N-VA- de l’opinion flamande.
Il faut bien
photographier qu’il n’est pas un parti flamand qui ne va répétant sans
cesse qu’il faut désormais se focaliser sur le socio économique et que
l'enjeu des élections sera de répondre à la question: "Quelle grande réforme fiscale souhaitez-vous?"
L’erreur de Magnette, président d’un PS se voulant “sauveur
du pays”, relèvent des observateurs avisés au Nord, a été
d’ouvertement envisager de faire cela sans une majorité dans la plus
grande communauté du pays, sans celle qui contribue pour la plus grande
partie à l'économie belge…
(“Pas de majorité pour la communauté qui exporte 80% de ce qu’exporte la Belgique ? “ s'étouffera De Wever.)
Chaque
politique adapte son discours à son audience. Là, le président ff du PS
a été pour le moins distrait. (le public de lecteurs du Tijd est, en outre, très sensible sur la fiscalité)
(la N-VA ne s’y est pas trompée, utilisant illico l’extraitpour sa communication: https://www.youtube.com/watch?v=SXZZtZq30Ss&t=2m29s
Une
seule conclusion évidente: ce débat, fut-il équilibré par les points
forts et les points faibles de chacun, a assurément rendu encore un peu
plus difficiles les négociations forcées d’après le 25 mai.
La vidéo du débat est ici: http://www.lecho.be/dossier/debat