Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

dimanche 13 avril 2014

UNE CAMPAGNE PEU VOILEE PAR L’ISLAM: L’EFFET MAGGIE ?

 
C’est un phénomène assurément très fragile. Mais à la veille de la “mère de toutes les élections”, cette campagne semble échapper jusqu’ici aux polémiques électoralement racoleuses agitant l’islam et le voile.
Sans doute une part de l’explication vient-elle du Nord.
D’une part, de par l’attitude plus ouverte de certains partis (les socialistes flamands ont opté officiellement en congrès pour le port du foulard dans les administrations publiques, avec leur fief de Gand pour modèle). D’autre part, parce que -et ça, cela vaut pour l’ensemble du pays- la ligne dure de Maggie De Block, fut-elle si controversée (on pense aux réfugiés afghans ou aux ressortissants européens virés du territoire), ne manque pas d’influer subliminalement sur les esprits.
La folle ascension du Vlaamse Blok devenue Belang s’était appuyée, au Nord, sur ce sentiment qu’islam et immigration étaient des menaces pour nombre de flamands.
Les partis traditionnels ont ignoré cette inquiétude de leurs électeurs, donnant un boulevard aux fascistes du VB.
Aujourd’hui, à tort ou à raison, avec l’inflexible Maggie De Block, le gouvernement donne pour la première fois le sentiment, à tout le moins la perception qu’on gère la politique de l’immigration. Elio Di Rupo, malgré les critiques de son camp – d’aucuns, au PS, estiment qu’on a honteusement jeté bas des années de combat progressiste- ne manque pas une ocassion de se faire voir aux côtés de Maggie, inventant même une séquence ad hoc pour son “Sans Chichis”-RTBF.
Bref, une com’ qui vise faire croire que les préoccupations de l’électeur irrité par l’immigration sont rencontrées. Même si c’est en partie un large bluff, que nombre d’ordre de quitter le territoire sont là pour faire joli, que plein d’immigrants disparaissent simplement dans la nature et que la supposée brillante politique de Maggie De Block annonce, à terme, la nécessité à terme d’une nouvelle grande régularisation générale…
Autre facteur: le rôle de la N-VA, depuis 2010 premier parti de Flandre et et du pays.  Et le seul à oser se profiler clairement sur ces sujets (immigration, opposition au voile dans les services publics),  jusqu’ici purs monopoles du Belang.
Bart de Wever, dont le Belang actuel est le meilleur ennemil’a contré en force, dénonçant les “phobies islamistes et racistes des fascistes du Belang.” C’est la particularité de la N-VA en Europe parmi les partis nationalistes et populistes: elle n’est pas xénophobe. Ses positions sont très dures, avec pour clé de voûte l’intégration à tout prix, mais elle offre ainsi à l’électeur une alternative réaliste et non-raciste.  Sauf pour l’électeur d’extrème-droite, les raisons logiques de voter pour le Belang sont  devenues rares. (le parti d’Annemans est sous les 10% dans les sondages pour les fédérales et régionales: seul son côté parti anti-européen reste un solide atout)
Ce qui vient de se passer aux Pays Bas ne manque pas d’intérêt: Geert Wilders, le leader xénophobe du PVV, après avoir gagné les élections communales, a tenu les propos de trop (“Faire la chasse aux marocains”)  qui ont provoqué illico la déglingue de son parti et une explosion d’indignation civile . Résultat: Wilders est en train de rendre son parti infréquentable.
Oh, on peut bien sûr s’attendre , d’ici le 25 mai, à quelques remous: la droite extrème de Mischael Modrikamen tordra une fois de plus les chiffres pour remuer les plus bas instincts populistes; sans doute Alain Destexhe, pour le MR, tentera-t-il de relooker une fois de plus son fonds de commerce électoral (mais Didier Reynders, ministre des Affaires Etrangères et candidat Ministre-Président bruxellois sera assurément, lui, bien plus réaliste et prudent sur ce thème). Quant au parti Islam, sous influence chiite mais remis de son kidnapping par Laurent Louis dans une folle péripétie politique, il tentera à nouveau de cacher “qu’il entend faire de la Belgique un Etat islamique s’appuyant sur le Coran”. Comme son astucieux nom très fédérateur (Islam) lui a valu, en 2012, des résultats pas minces (4% à Anderlecht et Molenbeek) ce sont ces agitateurs-là, ceux qui ne serrent pas la main des femmes,  qui peuvent surtout relancer un climat de tension.
Le travail de compréhension de l’autre est de longue haleine: pour une fois cette campagne ne pue pas trop du bec.

Michel HENRION.