C’est un phénomène assurément très fragile. Mais à la veille de la “mère de toutes les élections”, cette campagne semble échapper jusqu’ici aux
polémiques électoralement racoleuses agitant l’islam et le voile.
Sans doute une part de l’explication vient-elle du Nord.
D’une part, de par l’attitude plus ouverte de certains
partis (les socialistes flamands ont opté officiellement en congrès pour le
port du foulard dans les administrations publiques, avec leur fief de Gand pour
modèle). D’autre part, parce que -et ça, cela vaut pour l’ensemble du pays- la
ligne dure de Maggie De Block, fut-elle si controversée (on pense aux réfugiés
afghans ou aux ressortissants européens virés du territoire), ne manque pas
d’influer subliminalement sur les esprits.
La folle ascension du Vlaamse Blok devenue Belang s’était
appuyée, au Nord, sur ce sentiment qu’islam et immigration étaient des menaces
pour nombre de flamands.
Les partis traditionnels ont ignoré cette inquiétude de
leurs électeurs, donnant un boulevard aux fascistes du VB.
Aujourd’hui, à tort ou à raison, avec l’inflexible Maggie De
Block, le gouvernement donne pour la première fois le sentiment, à tout le
moins la perception qu’on gère la
politique de l’immigration. Elio Di Rupo, malgré les critiques de son camp –
d’aucuns, au PS, estiment qu’on a honteusement jeté bas des années de combat
progressiste- ne manque pas une ocassion de se faire voir aux côtés de Maggie,
inventant même une séquence ad hoc pour son “Sans Chichis”-RTBF.
Bref, une com’ qui vise faire croire que les préoccupations
de l’électeur irrité par l’immigration sont rencontrées. Même si c’est en
partie un large bluff, que nombre d’ordre de quitter le territoire sont là pour
faire joli, que plein d’immigrants disparaissent simplement dans la nature et
que la supposée brillante politique de Maggie De Block annonce, à terme, la
nécessité à terme d’une nouvelle grande régularisation générale…
Autre facteur: le rôle de la N-VA, depuis 2010 premier parti
de Flandre et et du pays. Et le
seul à oser se profiler clairement sur ces sujets (immigration, opposition au
voile dans les services publics),
jusqu’ici purs monopoles du Belang.
Bart de Wever, dont le Belang actuel est le meilleur
ennemil’a contré en force, dénonçant les “phobies islamistes et racistes des
fascistes du Belang.” C’est la
particularité de la N-VA en Europe parmi les partis nationalistes et
populistes: elle n’est pas xénophobe. Ses positions sont très dures, avec pour
clé de voûte l’intégration à tout prix, mais elle offre ainsi à l’électeur une
alternative réaliste et non-raciste.
Sauf pour l’électeur d’extrème-droite, les raisons logiques de voter
pour le Belang sont devenues
rares. (le parti d’Annemans est sous les 10% dans les sondages pour les
fédérales et régionales: seul son côté parti anti-européen reste un solide
atout)
Ce qui vient de se passer aux Pays Bas ne manque pas
d’intérêt: Geert Wilders, le leader xénophobe du PVV, après avoir gagné les
élections communales, a tenu les propos de trop (“Faire la chasse aux
marocains”) qui ont provoqué illico la déglingue de son parti et une
explosion d’indignation civile . Résultat: Wilders est en train de rendre son
parti infréquentable.
Oh, on peut bien sûr s’attendre , d’ici le 25 mai, à
quelques remous: la droite extrème de Mischael Modrikamen tordra une fois de
plus les chiffres pour remuer les plus bas instincts populistes; sans doute
Alain Destexhe, pour le MR, tentera-t-il de relooker une fois de plus son fonds
de commerce électoral (mais Didier Reynders, ministre des Affaires Etrangères
et candidat Ministre-Président bruxellois sera assurément, lui, bien plus
réaliste et prudent sur ce thème). Quant au parti Islam, sous influence chiite
mais remis de son kidnapping par Laurent Louis dans une folle péripétie
politique, il tentera à nouveau de cacher “qu’il entend faire de la Belgique
un Etat islamique s’appuyant sur le Coran”.
Comme son astucieux nom très fédérateur (Islam) lui a valu, en 2012, des résultats pas minces (4% à
Anderlecht et Molenbeek) ce sont ces agitateurs-là, ceux qui ne serrent pas la
main des femmes, qui peuvent
surtout relancer un climat de tension.
Le travail de compréhension de l’autre est de longue
haleine: pour une fois cette campagne ne pue pas trop du bec.
Michel HENRION.