Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

jeudi 3 avril 2014

La "cuisine" et la "salle de restaurant" du PTB.

Le livre que Pascal Delwit vient de consacrer au PTB, c'est à dire à l'une des rares organisations marxistes-léninistes d'origine maoiste à avoir survécu à tous les bouleversements de l'histoire depuis les années '60, est l'ouvrage dont Raoul Hedebouw ou Peter Mertens  (le président du parti) se seraient assurément bien passés en cette campagne électorale. D'une part, parce que la longue fresque agitée des évolutions contradictoires et des tournants idéologiques du mouvement mené par feu Ludo Martens est extrêmement claire et documentée (d'évidence non sans mal); d'autre part et surtout parce que le politologue explique patiemment, documents ou témoignages à l'appui, pourquoi les sympathisants et même les membres du PTB -qui fonctionnent à l'indignation et à la dénonciation des injustices- "n'ont pas une vraie idée de l'identité réelle du parti ou de la voie qu'il promeut".
Les recherches de Pascal Delwit débouchent sur cette conclusion assez imparable "qu'une double ligne est désormais opératoire au PTB : la ligne interne -la "cuisine"- où, dans l'entre-soi, l'avenir du marxisme-léninisme est débattu et rêvé, et une ligne externe -la "salle de restaurant"- ou le PTB se donne à voir comme "un gentil parti social-démocrate réformateur" lors des élections. Peu de Marx, Engels ou Lénine dans le propos, encore moins de Staline ou de Mao. Il s'agit de s'adapter à la presse, de nouer même certains partenariats informels". Pour le PTB, constate Delwit, l'enjeu est de ne parler que de "sa salle de restaurant".
Sur les principes, son appartenance au mouvement communiste international, le PTB est inébranlable mais, au jour le jour, le mot d'ordre est à la souplesse.
Il y a le "quartier général révolutionnaire" en cercle clos, ("Cuba est sans doute devenu le principal référent du PTB") mais, en externe, il convient d'être beaucoup "plus souple" et ouvert. Certes, Lénine prônait déjà "la fermeté dans les principes et la souplesse dans la tactique" mais cette double facette est devenue aujourd'hui, relève Delwit, une donnée presque identitaire du PTB. Avec notamment une check-list de 30 points ("mener une politique médiatique avantageuse", mettre en avant des "personnalités reconnaissables et des porte-paroles", etc...) dont on constate en effet clairement l'application et les effets médiatiques.
Le PTB, un parti nouveau? "Le PTB , en communication, est parfois plus performant que certains partis classiques", relève Delwit. " Le parti fait un immense travail pour gommer ou effacer, notamment sur le Net, ce qui affecterait l'image de "gentil parti protestataire et anti-etablishment". Mais tout n'est pas effaçable, notamment les interrogations sur le fameux livre "Le parti de la révolution" toujours au programme de formation des cadres qui fonctionnent selon les règles d'un strict "centralisme démocratique" avec peu de goût pour le parlementarisme et la démocratie représentative.
"Le PTB, relève le politologue est d'ailleurs la seule formation politique en Belgique dont il n'est pas possible de télécharger les statuts".
"Mais si la référence à Staline et à Mao en est effectivement absente, c'est, écrit Delwit, parce que cela fait désormais partie de l'identité du parti d'avoir deux lignes et de ne pas tout mentionner à l'externe. En interne, le PTB ne cache nullement son essence marxiste-léniniste et la proclame fièrement à l'étranger et dans les séminaires communistes internationaux".
Un ouvrage décapant -et documenté- qui va assurément déclencher bien des réactions (le PTB demande à ses membres de militer abondamment sur Facebook et Twitter) mais assurément passionnant pour tout qui s'intéresse aux idéologies politiques et à la communication...


( "PTB, nouvelle gauche, vieille recette"- 382 pages- Editions Luc Pire)