Le livre que Pascal Delwit vient de consacrer au PTB, c'est à dire à l'une des rares organisations
marxistes-léninistes d'origine maoiste à avoir survécu à tous les
bouleversements de l'histoire depuis les années '60, est l'ouvrage dont Raoul Hedebouw ou Peter Mertens (le président du parti)
se seraient assurément bien passés en cette campagne électorale. D'une
part, parce que la longue fresque agitée des évolutions contradictoires
et des tournants idéologiques du mouvement mené par feu Ludo Martens est
extrêmement claire et documentée (d'évidence non sans mal); d'autre
part et surtout parce que le politologue explique patiemment, documents
ou témoignages à l'appui, pourquoi les sympathisants et même les membres
du PTB -qui fonctionnent à l'indignation et à la dénonciation des
injustices- "n'ont pas une vraie idée de l'identité réelle du parti ou
de la voie qu'il promeut".
Les recherches de Pascal Delwit
débouchent sur cette conclusion assez imparable "qu'une double ligne
est désormais opératoire au PTB : la ligne interne -la "cuisine"- où,
dans l'entre-soi, l'avenir du marxisme-léninisme est débattu et rêvé, et
une ligne externe -la "salle de restaurant"- ou le PTB se donne à voir
comme "un gentil parti social-démocrate réformateur" lors des élections.
Peu de Marx, Engels ou Lénine dans le propos, encore moins de Staline
ou de Mao. Il s'agit de s'adapter à la presse, de nouer même certains
partenariats informels". Pour le PTB, constate Delwit, l'enjeu est de ne
parler que de "sa salle de restaurant".
Sur les principes, son
appartenance au mouvement communiste international, le PTB est
inébranlable mais, au jour le jour, le mot d'ordre est à la souplesse.
Il y a le "quartier général révolutionnaire" en cercle clos, ("Cuba est
sans doute devenu le principal référent du PTB") mais, en externe, il
convient d'être beaucoup "plus souple" et ouvert. Certes, Lénine prônait
déjà "la fermeté dans les principes et la souplesse dans la tactique"
mais cette double facette est devenue aujourd'hui, relève Delwit, une
donnée presque identitaire du PTB. Avec notamment une check-list de 30
points ("mener une politique médiatique avantageuse", mettre en avant
des "personnalités reconnaissables et des porte-paroles", etc...) dont
on constate en effet clairement l'application et les effets médiatiques.
Le PTB, un parti nouveau? "Le PTB , en communication, est parfois plus
performant que certains partis classiques", relève Delwit. " Le parti
fait un immense travail pour gommer ou effacer, notamment sur le Net, ce
qui affecterait l'image de "gentil parti protestataire et
anti-etablishment". Mais tout n'est pas effaçable, notamment les
interrogations sur le fameux livre "Le parti de la révolution" toujours
au programme de formation des cadres qui fonctionnent selon les règles
d'un strict "centralisme démocratique" avec peu de goût pour le
parlementarisme et la démocratie représentative.
"Le PTB, relève le
politologue est d'ailleurs la seule formation politique en Belgique
dont il n'est pas possible de télécharger les statuts".
"Mais si la
référence à Staline et à Mao en est effectivement absente, c'est, écrit
Delwit, parce que cela fait désormais partie de l'identité du parti
d'avoir deux lignes et de ne pas tout mentionner à l'externe. En
interne, le PTB ne cache nullement son essence marxiste-léniniste et la
proclame fièrement à l'étranger et dans les séminaires communistes
internationaux".
Un ouvrage décapant -et documenté- qui va
assurément déclencher bien des réactions (le PTB demande à ses membres
de militer abondamment sur Facebook et Twitter) mais assurément
passionnant pour tout qui s'intéresse aux idéologies politiques et à la
communication...
( "PTB, nouvelle gauche, vieille recette"- 382 pages- Editions Luc Pire)