Ca a commencé par une décision aux motivations politiciennes
plus ou moins nettes: faire, cette fois, délibérément coincider les scrutins
fédéraux, régionaux et européens.
Résultat: à deux encablures de la “mère de toutes les
élections”, l’électeur se mélange pour le moins les pinceaux et ne différencie
que fort mal les enjeux européens, fédéraux, régionaux ou communautaires entre
tous ces niveaux de pouvoirs.
Largement flouté, voire escamoté, le débat vital sur l’Europe
et ce "29ème État membre peuplé de tous ceux qui sont sans emploi".
(selon la formule forte de J-C Juncker)
Largement flouté, voire honteusement minimisé, le débat tout
aussi crucial sur les futurs Gouvernements régionaux d’après la sixième réforme
de l’Etat. Qui dira à l’électeur
que les entités fédérées, qui ne comptaient que pour une dizaine de pour cent
dans les années 80, pèseront désormais pour 70%, y compris des compétences de
sécurité sociale? Qui rend cela un
poil perceptible ? Explique à l’électeur que, puisque le financement d’une
région sera aussi lié à des recettes, on pourra juger directement de
l’efficacité d’une politique régionale à ses conséquences?
C’est le flou trompeur: comme si le thème de la réforme
fiscale, pour important qu’il soit, était le seul qui importait dans cette
campagne électorale. Comme si, dans le fond, on ne votait que pour le fédéral,
les autres élections étant considérées comme un brin accessoires.
La personnalité du Premier Ministre n’y est pas pour rien:
Elio Di Rupo a comme trait de caractère de magnifier toujours le niveau de
pouvoir ou il se médiapolitise. Ministre-Président wallon, il arborait le coq
de Paulus; Premier Ministre attentif du Roi Philippe, il épingle tout aussi imperturbablement
son pin’s aux couleurs nationales.
Mais, autre flou encore, le voici quelque peu perdu, mal à
l’aise, ne sachant trop bien dans ses prestations floues de campagne, s’il doit
se comporter en Premier Ministre ou en président toujours en titre du PS. Les
deux développant de concert un kriegspiel on ne peut plus flou: diaboliser la
N-VA jusqu’à dépasser la mesure et friser parfois l’absurde puisque, dans ce
pays désormais encore bien plus fédéralisé par la 6ème réforme du Gouvernement
Papillon, aucun wallon ne peut voter pour la N-VA. Qui n’a, à tout le moins,
rien à dire en Wallonie et, jusqu’à nouvel ordre, en Région bruxelloise.
Les nostalgiques de la Belgique de papa avaient pour
habitude d’estimer que les conflits communautaires détournaient la population
des “vrais problèmes”: cette fois, le stratégique bashing anti-N-VA empêche
quelque part les francophones et les wallons de se pencher sur les nouveaux
enjeux qui les concernent très directement dans leur bien-être. Flou et
dangereux paravent.
Flou toujours lorsque le Premier Ministre refuse –pour des
raisons stratégiques qui lui appartiennent- un débat avec la N-VA, seul parti à représenter clairement une forte
opposition au fédéral, mais l’accepte avec Didier Reynders, son
propre…Vice-Premier Ministre MR. Allez vous y retrouver comme électeur lambda.
Flou encore lorsque les slogans des partis, à force de viser
tous le centre, à force d’aligner
des mots mous, creux et génériques (“ensemble”, “avenir”, “changement”, etc…) deviennent carrément
interchangeables, ne marquant plus en rien l’électeur.
Flou et inquiétudes lorsque les répondants des sondages
d’intentions de vote ne répondent plus ce qu’ils pensent mais ce qu’ils croient
que l’ensemble de leurs voisins pensent.
Les “baromètres” médiapolitiques ne mesurent plus le temps
qu’il fera: c’est plutôt le temps qu’il a fait, au mieux le temps qu’il fait.
Retenez bien ceci: en Flandre, entre 18 et 24 ans, six
électeurs sur dix ne se décideraient que la veille du scrutin!
En fonction d’une impression, d’un fait du jour, bref, d’un
truc de dernière minute.
A force de multiplier les flous, on risque fort, le soir du
25 mai, d’être clairement surpris.