En Flandre, une surprise
verte?
Les élections peuvent parfois se révéler des machines
infernales pour les partis au pouvoir, pour les politologues par trop oracles,
les experts trop gonflés de leurs analyses académiques ou de leur importance.
C’est que le corps électoral sait parfois , par le vote qu’il a entre les
mains, déstabiliser les plans de campagne supposés les mieux pliés. Un des plus
beaux cas de figure est la chute en 2007, contre toutes attentes sondagières,
de l’Open VLD de Verhofstadt, soudain ramené à 790.000 voix contre plus d’un
million de suffrages quatre ans auparavant…
On ne cesse de photographier, chez les francophones,
l’attirance vers les communistes du PTB ou la droite extrême du PP.
On a moins relevé, au Nord, la montée discrète des écolos
flamands de Groen qui- malgré une campagne sans grand génie, sans vraie
stratégie pour se muer en formation de gauche ambitieuse- pourraient cependant
créer une surprise en Flandre le 25 mai. Et Groen devenir peut-être le
troisième parti flamand, devant même les socialistes en méforme du SPa. Ce qui
serait un événement marquant.
Il se dit souvent qu’Anvers est, en quelque sorte, la “boule
de cristal”, le laboratoire électoral de la
Flandre. Que ce qui s’y passe politiquement laisse présager l’évolution qui
percolera ensuite dans la Flandre toute entière.
C’est, de fait, là qu’a d’abord germé le Vlaamse Blok-Belang
avant de contaminer la Flandre
entière et, désormais, de s’y effondrer.
C’est là qu’est né le PVDA (appellation du PTB unitariste au
Nord), aujourd’hui au pouvoir dans le district de Borgerhout. C’est là que
l’OpenVLD, même avec Maggie, est déjà quasi insignifiant. Et c’est évidemment dans la Métropole
que Bart De Wever est devenu bourgmestre.
Dans un récent sondage de la Gazet van Antwerpen/Profacts,
passé inaperçu au Sud parce que scrutant uniquement la province d’Anvers, la
tendance est claire, au delà de la marge d’erreur. Groen, qui se trainait
depuis lurette à 7% et des poussières, bondit désormais à 13%, devant les
socialistes de Tobback Junior.
C’est, en quelque sorte, un phénomène comparable à la N-VA,
dont la crédibilité lui permet de s’adjuger les “déçus droitiers” du CD&V,
de l’Open VLD et, bien entendu, du Belang. Le parti de Wouter van Besien est, à
l’instar de la N-VA, tout à la fois anti-système et dans le système (appui à la
réforme de l’Etat)
Groen, c’est la formation qui peut attirer les jeunes mais
aussi les déçus de la gauche traditionnelle, un peu à l’instar des communistes
du PTB au Sud. Wouter van Besien, le président des Verts flamands, vise aussi
systématiquement les électeurs désenchantés proches du Mouvement Ouvrier
chrétien, ceux qui ne se retrouvent pas forcément dans la ligne de Kris
Peeters. Mais ce ne sera jamais
une razzia: la proximité entre syndicalistes chrétiens et CD&V est une
tradition solide (Koen Geens, actuel ministre des Finances, était auparavant
l’avocat de l’ACW chrétien) et le CD&V devra juste veiller à “gauchir” un
brin son discours.
De là à penser qu’une tripartite (CD&V, OpenVLD, SPa
élargie aux Verts de Groen portés à plus de 10%) pourrait mettre la N-VA dans
l’opposition au Parlement flamand, il y a loin de la coupe aux lèvres. C’est
que, sur plein de dossiers purement flamands (la liaison Oosterweel, ce projet
qui doit boucler le ring périphérique anversois ou la réforme de
l’enseignement) les écologistes de Groen ont pris des positions diamétralement
opposées aux autres partis du Nord.
Si la N-VA atteint les 30%, ce qui devrait être les cas sauf
gaffe mémorable, on ne voit pas ce qui l’empêcherait donc d’être à nouveau au
pouvoir en Flandre. Avec juste une forte question subsidiaire:
s’adjugera-t-elle ou non la Ministre-Présidence qui plait tant au CD&V Kris
Peeters?
Michel HENRION.