Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mercredi 4 juin 2014

Les enfants de com’ de la “Mère de toutes les élections”

 
La “mère de toutes les élections“ aura été marquée, en communication politique, par deux tendances: le basculement désormais acquis et durable vers un monde plus connectif (Twitter, les réseaux sociaux) et, paradoxalement, le grand retour au plus basic: le porte à porte, à l’efficacité manifeste. Car les techniques de marketing (courriers plus ou moins personnalisés , clips You Tube, panneaux Facebook,  jusqu’aux affiches et flyers…) ont toutes un handicap en commun: l’absence de vrai contact réel entre les électeurs et le candidat.
Le Net connecte certes les utilisateurs entre eux, mais les limite en même temps à un rapport essentiellement virtuel.
Cette fois, sauf cas rédhibitoire pas de son temps, le candidat analphabète du Net a compris qu’il devait sortir de sa grotte de Han et qu’il ne pouvait plus se comporter comme si l’ évolution technologique n’existait pas. Qu’un politique, qui n’existe déjà guère sans les médias, se devait  d’occuper les réseaux sociaux, et surtout, si possible, de prendre en mains le porte-voix de Twitter. Qu’il devait surmonter sa crainte de ces signes cabalistiques que son le @ ou le # (hashtag) de #cestjoelle ou de #sansleslibéraux. Twitter, ce formidable canal d’actualité qui  permet au candidat de prendre la parole en temps réel lorsqu’il le souhaite. @alexanderdecroo, un touitteur précurseur, racontait ainsi, il y a peu, qu’il devait beaucoup à ses tweets pour ce qui est de l’explosion de sa carrière politique…
Le politique a dû s’adapter à toute allure. Lui qui savait si bien animer le bal local, distribuer des poignées de mains aux commerçants, donner des bisous aux centenaires dans les maisons de repos, couper plein de rubans inauguraux et autres ficelles du métier a dû enfin trouver le temps de maîtriser les  règles et surtout l’atmosphère, atmosphère des réseaux sociaux. On ne photographie pas assez que lors des élections fédéralesz de 2007 (il y a à peine sept ans), les réseaux sociaux, entendez surtout Facebook et Twitter, n’existaient quasiment pas. (Facebook s’est ouvert à tous en septembre 2006 et Twitter était plus que balbutiant).
Même si des partis –l’exemple le plus marquant  est la N-VA- ont fort intelligemment  investi en 2014 des sommes très conséquentes en pré-campagne - on ne gagne pas (encore) une élection avec des bannières pub’ et des relais internet. Mais ne pas y être est désormais génant, carrément old.
C’est pour ça qu’il faut observer avec intérêt comment les jeunes candidats se jouent de la Toile, n’habitant plus, en fait, le même espace que d’autres. Pratiquant l’art du tweet , du Livetweet ou même du tweet clash (accrochage politique en ligne). Le candidat a muté: tous ces jeunes des listes sont aussi le fruit de la culture de l’internet. Ils sont de leur génération, de celle pour qui la politique la plus sérieuse n’exclut pas le clin d’oeil du LOL.

La recherche du contact réel

Mais si le Net permet d’atteindre directement l’électeur, il limite en même temps les candidats à un rapport essentiellement virtuel. Le contact personnel direct, tel qu’un démarchage en porte-à-porte,  est donc la démarche réhabilitée par les plus malins et les plus tenaces. Loin des marchés absurdes aux meutes de candidats rivaux se croisant sans cesse entre les maraîchers, il s’agit  à pied, à vélo, d’affronter chaque quartier de sa ville ou de son arrondissement. Le porte à porte s’impose , dans l’arsenal de campagne, comme l’arme électorale-très physique- à nouveau la plus efficace.  En Flandre, la N-VA a toujours beaucoup tablé sur cette proximité. Depuis le scutin de 2010, la technique n’y a jamais été mise en veilleuse. Cela sature d’apéritifs, de “picknick”, de dîners spaghetti ou paella, de barbecues, de Vlaamsebieravond ou de soirées Lotto…Proximité et militantisme, mots-clé.
Et en Flandre, tous les partis ont désormais ressuscité le porte à porte.  Un art délicat qui a ses règles (outre celle d’éviter les morsures de chiens): entre 17H30 et 19H30, avant les séries télé,  entretien entre 30” et 3’ maxi dans un échange très cadré. On note lescoups de colère, on met son statut en avant, comme un sésame. Si on est de l’opposition, on mobilise, on disqualifie l’adversaire, on tente de générer de l’engagement.
Ce  scrutin #be2505 aura donc été marqué par un double phénomène: l’installation dans les moeurs politiques de toutes les ressources magiques du Net et, paradoxalement, le grand retour au plus basic: le porte à porte.
Tout comme lors des campagnes américaines du temps de Kennedy  ou Nixon, lorsque les partis US mobilisaient des milliers de volontaires pour les envoyer frapper aux portes de tous les Etats. Back to the future.


Michel HENRION.