La “mère de toutes les élections“ aura été marquée, en communication politique, par
deux tendances: le basculement désormais acquis et durable vers un monde plus connectif (Twitter, les réseaux sociaux) et, paradoxalement,
le grand retour au plus basic: le porte à porte, à l’efficacité manifeste. Car
les techniques de marketing (courriers plus ou moins personnalisés , clips You
Tube, panneaux Facebook,
jusqu’aux affiches et flyers…) ont toutes un handicap en commun:
l’absence de vrai contact réel entre les électeurs et le candidat.
Le Net connecte certes les utilisateurs entre eux, mais les
limite en même temps à un rapport essentiellement virtuel.
Cette fois, sauf cas rédhibitoire pas de son temps, le
candidat analphabète du Net a compris qu’il devait sortir de sa grotte de Han
et qu’il ne pouvait plus se comporter comme si l’ évolution technologique
n’existait pas. Qu’un politique, qui n’existe déjà guère sans les médias, se
devait d’occuper les réseaux
sociaux, et surtout, si possible, de prendre en mains le porte-voix de Twitter.
Qu’il devait surmonter sa crainte de ces signes cabalistiques que son le @ ou
le # (hashtag) de #cestjoelle ou de #sansleslibéraux. Twitter, ce formidable
canal d’actualité qui permet au
candidat de prendre la parole en temps réel lorsqu’il le souhaite.
@alexanderdecroo, un touitteur précurseur, racontait ainsi, il y a peu, qu’il
devait beaucoup à ses tweets pour ce qui est de l’explosion de sa carrière
politique…
Le politique a dû s’adapter à toute allure. Lui qui savait
si bien animer le bal local, distribuer des poignées de mains aux commerçants,
donner des bisous aux centenaires dans les maisons de repos, couper plein de
rubans inauguraux et autres ficelles du métier a dû enfin trouver le temps de
maîtriser les règles et surtout l’atmosphère,
atmosphère des réseaux sociaux. On ne
photographie pas assez que lors des élections fédéralesz de 2007 (il y a à
peine sept ans), les réseaux sociaux, entendez surtout Facebook et Twitter, n’existaient quasiment pas. (Facebook s’est ouvert à tous en septembre 2006 et Twitter était plus que balbutiant).
Même si des partis –l’exemple le plus marquant est la N-VA- ont fort
intelligemment investi en 2014 des
sommes très conséquentes en pré-campagne - on ne gagne pas (encore) une
élection avec des bannières pub’ et des relais internet. Mais ne pas y être est
désormais génant, carrément old.
C’est pour ça qu’il faut observer avec intérêt comment les jeunes
candidats se jouent de la Toile, n’habitant plus, en fait, le même espace que d’autres. Pratiquant l’art du tweet , du Livetweet ou même du tweet clash
(accrochage politique en ligne). Le candidat a muté: tous ces jeunes des listes
sont aussi le fruit de la culture de l’internet. Ils sont de leur génération,
de celle pour qui la politique la plus sérieuse n’exclut pas le clin d’oeil du LOL.
La recherche du contact réel
Mais si le Net permet d’atteindre directement l’électeur, il
limite en même temps les candidats à un rapport essentiellement virtuel. Le
contact personnel direct, tel qu’un démarchage en porte-à-porte, est donc la démarche réhabilitée par
les plus malins et les plus tenaces. Loin des marchés absurdes aux meutes de
candidats rivaux se croisant sans cesse entre les maraîchers, il s’agit à pied, à vélo, d’affronter chaque
quartier de sa ville ou de son arrondissement. Le porte à porte s’impose , dans
l’arsenal de campagne, comme l’arme électorale-très physique- à nouveau la plus
efficace. En Flandre, la N-VA a
toujours beaucoup tablé sur cette proximité. Depuis le scutin de 2010, la
technique n’y a jamais été mise en veilleuse. Cela sature d’apéritifs, de “picknick”, de dîners spaghetti ou paella, de barbecues, de
Vlaamsebieravond ou de soirées
Lotto…Proximité et militantisme, mots-clé.
Et en Flandre, tous les partis ont désormais ressuscité le
porte à porte. Un art délicat qui
a ses règles (outre celle d’éviter les morsures de chiens): entre 17H30 et
19H30, avant les séries télé, entretien
entre 30” et 3’ maxi dans un échange très cadré. On note lescoups de colère, on
met son statut en avant, comme un sésame. Si on est de l’opposition, on
mobilise, on disqualifie l’adversaire, on tente de générer de l’engagement.
Ce scrutin
#be2505 aura donc été marqué par un double phénomène: l’installation dans les
moeurs politiques de toutes les ressources magiques du Net et, paradoxalement,
le grand retour au plus basic: le porte à porte.
Tout comme lors des campagnes américaines du temps de Kennedy ou Nixon, lorsque les partis US
mobilisaient des milliers de volontaires pour les envoyer frapper aux portes de
tous les Etats. Back to the future.
Michel HENRION.