On a tout dit du méga-show de
la N-VA, sauf, curieusement, l’essentiel.
A savoir qu’elle entend -bien avant tout autre enjeu électoral ou de
pouvoir- imposer définitivement dans les esprits une nouvelle vision, une toute
autre image du “nationalisme flamand”.
Car le discours le plus important,
mine de rien, ne fut pas celui de Bart De Wever, mais bien celui de
Peter De Roover, futur député et âme du Vlaamse Volksbeweging, évoquant une société flamande “ouverte,
chaleureuse, ou tout le monde pouvait trouver sa place”.
C’était ça, le vrai but
subliminal: infiltrer dans les esprits une toute autre image du nationalisme
flamand, avec pour signe de ralliement le fameux “feel good” “V” de Winston Churchill (ou des Spice Girls), un fort geste de ralliement mental et viral qui
dépasse de très loin l’enjeu du 25 mai.
Jusqu’il y a peu, le mot “nationaliste” portait automatiquement une connotation négative,
évoquant tantôt les joyeusetés du TAK ou les attitudes d’extrème-droite des
xénophobes du Vlaams Belang.
Ce que de Wever veut-
habilement conseillé par des communicateurs très pro- c’est que, peu à peu,
lorsqu’on utilisera l’expression “nationaliste flamand”,
c’est que ce soit cette
nouvelle perception “inclusive et ouverte”, moins ethnique, qui saute désormais à l’esprit de l’homme de la rue.
Cassant accessoirement, par sa référence d’historien roué à Martin Luther,
l’image d’une Flandre qui serait nécessairement catholique. On démode la
célèbre abréviation AVV-VVK (“Tout pour la Flandre, la Flandre pour le
Christ“) slogan célèbre du vieux
mouvement flamand d’antan. Habile: pan dans les dents du CD&V et des
syndicats chrétiens qui ont par trop vénéré les dieux d’argent de Dexia -Arco.
De Wever sait pertinemment
que la vie politique n’est pas un long Escaut tranquille. Et que rien n’exclut,
en cas de revers électoral, que son parti soit viré, un jour prochain ou
lointain, du pouvoir en Flandre. Donc, l’objectif est de long terme: ancrer plus que jamais la N-VA sur
l’échiquier flamand. Avec un noyau stable et suffisamment solide: pour
qu’importent moins les conjonctures politiques .
Et, surtout, influencer: il ne faut pas être fortiche en
politique pour relever que le Mouvement flamand ne connaît pas la notion d’armistice. A-t-on assez
photographié que c’est la N-VA qui, même si elle quitta la table, a marqué de
toute son empreinte une large part de la 6ème réforme de l’Etat finalisée par
Di Rupo?
En Flandre, on évoque souvent
la notion de “grondstroom”, entendez les “forces souterraines” du peuple flamand. Ce sont ces forces-là que Guy Verhofstadt, à l’époque bien
plus à droite que De Wever (on l’appelait
“Baby Thatcher”) avait un temps réussi à capter par ses divers “Burger Manifesten”, sa vision d’une société colorée au libéralisme mais
ouverte à tous, bien au delà d’un simple programme. Le congrès triomphal de
l’Open VLD de l’époque, qui proposait un projet qui lui valut jusqu’à 28% aux élections, n’est pas
sans rappeler l’enthousiasme de celui de la N-VA. Hormis les avancées éthiques,
on sait ce qu’il en est advenu: chouchou immortel des francophones,
Verhofstadt a déçu, voire “trahi”
en Flandre, son parti chutant à moins de 12% en 2007.
De Wever ne fait pas grand
chose par hasard: et si Frits Bolkenstein fut l’invité du #vvvcongres, c’est
parce que ce libéral hollandais personnifie tout ce que Verhofstadt aurait pu
être aujourd’hui: un libéral qui n’a pas troqué ses convictions contre pouvoir
et marketing.
Tel est le message: regardez,
c’est nous, la N-VA, qui captons désormais le grondstroom de la Flandre. Et c’est notre vision libérale qui
dominera la société flamande pour longtemps. Message à Gwendolyn Rutten et
Charles Michel: “Non, libéralisme et nationalisme, ce n’est pas
incompatible”.
Bart De Wever entend écrire
une page historique pour la Flandre. Et c’est tout sauf un hasard si
l’après-midi de chaque élection, il s’en va discrètement se recueillir sur la
tombe de son père. Mais ce 25 mai, ce sera avec l’atout viral d’un nationalisme
2.0 en poche.
Michel HENRION.