Comment diable peut-on être Charles Bricman ?, a-t-on envie d’écrire. Sous ses dehors flegmatiques et sérieux, mon compère de “Sans Langue de Bois” (RTL-TVI) est insaisissable pour beaucoup.
Il fut d’ailleurs longtemps le cauchemar de nombre d’attachés de presse ou de politiques persuadés qu’un déjeuner suffirait, comme souvent, à leur décrocher un “bon papier” allant dans le sens de leur soupe plus ou moins populaire. Et donc un brin énervés de découvrir souvent en retour un article rédigé à l’acidulé ou a l’encre de zizanie. Teintée en plus à la provo lorsque le concerné est connu pour réagir par emportements ou susceptibilité.
Il est de ces petits plaisirs que Charles Bricman ne rate jamais, souriant assurément in petto de sa dernière ficelle.
Insaississable aussi pour les listes électorales qui l’ont vu, au fil des années –l’homme n’en fait nul mystère- zapper son vote selon des critères hautement mystérieux, mais dans lesquels les plans sur la comète institutionnelle tiennent assurément souvent le haut du pavé.
On ne voit à cela qu’une explication: Charles, enfant, dût assurément recevoir, pour sa Saint Nicolas, ou la Noël, ou la Saint Houben, une panoplie du petit plombier.
De ces petits détails psy qui, mine de rien, vous doltotent toute une vie.
Et qui ont fait que les seuls politiques à qui le p’tit Bricman devenu grand ne fit pas de l’arcade souricière sont généralement eux-mêmes des passionnés de tuyauterie institutionnelle.
En ouvrant donc son “ Comment peut-on être belge?”, si malignement et joliment publié dans la collection “ Café Voltaire” de Flammarion, (1) on avait donc un peu la crainte de découvrir un ouvrage un chouia par trop docte.
Eh bien non, point du tout.
Cela sent plutôt le salivage de matière grise, les vestiaires de la gymnastique d’écriture, le tabac de pipe froide-fume-c’est-encore-du-belge, la phrase cent fois relue et douze fois élaguée avant d’être encore élimée, l’obsession de la conciliation du style et du politique, l’homme qui se glisse sous les draps à pas d’ heure du mat’ et qui ne s’endort que parce qu’il peut encore rêver BHV…
D’ou 122 pages marquées par ce truc rare en littérature politique belche: une plume claire.
De la plume bien tournée au service d’un grand didactisme. Ou le peuplier transgénique rejoint assez logiquement les allumettiers de Grammont. (L’Union fait la Match ☺)
Ce bouquin, qui vous relate en zigzags, en fast-backs, toute l’histoire de la “guerre des belges”, est ainsi: parfumé, plein de musiques, de fanfares, d’accents, de garde-barrière de frontières linguistiques et de couleurs baroques.
C’est certes une certaine histoire d’une nation cahin-cahotante hautement artificielle en pleine sarabande mais c’est avant tout un climat.
A humer pour mieux piger, capter, peut-être jusqu’à comprendre un bout de la vérité de ce pays. Bien mieux que ce truc pour les Nuls, inodore et insipide.
Un bémol pour ne pas virer hagiographe: si le francophone bruxellois Charles Bricman est un des rares avec qui il est difficile de se mesurer au Sud dans la connaissance du Mouvement flamand (encore que je ne suis pas sûr, na, qu’il ait déjà lu les remarquables pages de Bart De Wever sur le Verdinaso…), on ne trouve qu’à peu près pouic dans son book sur l’influence du Mouvement wallon; même si le piètre cocoricausé à la mode ces dernières années est qu’« il faut sauver la Wallonie pour sauver la
Belgique ».
Comme disait aussi Talleyrand, un homme qui avait décidément la tchatche, pour être agréable en société, il faut expliquer bien des choses que l'on sait déjà. Et cela Bricman le fait en très agréable compagnon de lecture.
Michel Henrion.
(Charles Bricman. Comment peut-on être belge ? Flammarion (Collection Café Voltaire) (12 euros)
Charles Bricman (à droite) et votre serviteur à Sans Langue de Bois |