Vous verrez: en médiapolitique, le décès de Marie-Rose Morel restera longtemps un événement. Aux retombées plus conséquentes qu’il n’y paraît. Parce que cette fois, le marqueur de l’inconciliable à concilier est émotionnel.
Edition spéciale de l'hebdo "Story". |
Regardez: lorsque Marie-Rose Morel a succombé, mardi soir, à son cancer, le système médiatique du Nord a embrayé sans grand inattendu. Du moins pour tout qui, depuis des mois, la découvrait omniprésente en cover des hebdos people pour “bekende Vlamingen” ou elle détaillait son combat contre le crabe dans d’innombrables interviews. Bref, les médias en firent aussitôt des tonnes: près de trois pages chaque jour pour “Het Laatste Nieuws” pour ne citer qu’une référence, mais le tout était à l’avenant. Jusqu’à cette chaîne musicale de Belgacom TV du Nord qui interrompit ses programmes, mais oui, pour une édition spéciale préparée depuis lurette. Un mystère que cette folie médiatique, même pour de nombreux flamands.
Au Sud, les premiers temps, quelques lignes, quelques rares images. Ou parfois rien. Parce que Marie-Rose Morel, c’est peu connu, chez les francophones. Ou alors c’est juste une image diffuse et surtout confuse d’une jolie blonde qui fut dauphine de Miss Belgique et même Miss Flandre avant de devenir une redoutable égérie du Belang. Donc, de fait, extrême-droite où, à tout le moins, droite extrême. Donc “cordon sanitaire”. Donc, chut avec ça, même si c’est sujet à controverse.
Le hic, c’est que Morel, si elle fut du Parti N-VA des débuts balbutiants de Bart, si elle vira inoportunément au Parti Belang, fut sans doute, aussi et surtout, depuis sa maladie, du Parti du Cancer.
Toute la Flandre a suivi longtemps, presque au jour le jour, ses chimiothérapies, sa quête des médecines alternatives, son mariage en phase terminale, histoire de protéger ses enfants et de consacrer un amour sulfureux si longtemps nié.(avec Franck Vanhecke, ancien président du Belang).
Une médiatisation certes non sans ego, mais voulue et construite pour déclencher cette empathie que le peuple a toujours pour ceux qui sont en difficulté. Avec des ressorts simples autant qu’évidents: qui n’a pas eu peur du cancer ? Quelle maman ou papa ne se demande pas ce que deviendraient alors ses enfants ?
Cela tourna donc à l’ahurissement francophone lorsque le déluge médiatique tsunama de partout.
“ J’ai beau chercher, a dit assez justement Frank Thevissen, consultant en communication, je ne trouve aucun exemple aussi abouti d’exhibitionnisme médiatique”.
On s’empara donc du sujet, avec retard. En se mélangeant les cordons sanitaires, le politique et le médiatique. (le politique, fut-il parfois un peu mou en certaines communes, a été maintenu jusqu’à faire du Belang un parti en crise demeuré totalement stérile) Avec de telles méconnaissances de ce qui se passe réellement au Nord, que la VRT a diffusé le JT de la RTBF dans “De zevende dag” comme un symbole- oui, presque ressenti insult
ant - de l’incapacité des francophones à comprendre un tant soit peu la société flamande. Une séquence malhabile, imprégnée de clichés anciens, ignorant jusqu'aux faits (les dirigeants du Belang écartés de la cérémonie), comme si un ton politique de tambour devait presque excuser la simple diffusion des images de l'événement.
Ce fut ressenti au Nord comme si la Flandre triste s'identifiait au Belang. Comme si, au Sud, on ne pouvait comprendre et intégrer que le combat pour la Flandre, que le mouvement flamand aux diverses facettes fait parfois se cotoyer des tendances très diverses, que ces funérailles avaient un peu plus à voir avec l’humanité qu’avec les convictions partisanes. Et que nombre de ceux qui étaient venus saluer le cercueil (dont Siegfried Bracke, franc-maçon notoire à des années-lumière des thèses fascisantes de l’extrême-droite) l’ont fait sans sympathie aucune pour le Belang.
ant - de l’incapacité des francophones à comprendre un tant soit peu la société flamande. Une séquence malhabile, imprégnée de clichés anciens, ignorant jusqu'aux faits (les dirigeants du Belang écartés de la cérémonie), comme si un ton politique de tambour devait presque excuser la simple diffusion des images de l'événement.
Ce fut ressenti au Nord comme si la Flandre triste s'identifiait au Belang. Comme si, au Sud, on ne pouvait comprendre et intégrer que le combat pour la Flandre, que le mouvement flamand aux diverses facettes fait parfois se cotoyer des tendances très diverses, que ces funérailles avaient un peu plus à voir avec l’humanité qu’avec les convictions partisanes. Et que nombre de ceux qui étaient venus saluer le cercueil (dont Siegfried Bracke, franc-maçon notoire à des années-lumière des thèses fascisantes de l’extrême-droite) l’ont fait sans sympathie aucune pour le Belang.
Comme le dirait un amateur de non-sense: les francophones ne comprennent pas que les flamands ne comprennent pas leur incompréhension. Et inversément.
Deux mondes, Messieurs, Dames, oui. Et une certaine inculture de l’autre. Qui fait que, dès que ce sujet décidément délicat qu’est le tragique destin de la controversée Marie-Rose Morel est abordé, les opinions tranchées souvent à l’insulte pleuvent. Souvent sans libre-examen. Souvent sans savoir.
Les francophones s’y perdent entre la femme aux idées noires et les noires métastases du cancer, entre l'aspect politique et l'aspect humain.
Morel et Mieke Vogels: bien étrange pour les francophones. |
On y voit Marie-Rose Morel, déjà frappée par la maladie, deviser, à la VRT, avec Mieke Vogels, ex Ministre et à l'époque Présidente des Verts flamands de Groen.
Cela parle de politique de soins de santé, de maladie, du “monde de différences” qui les sépare, mais c’est empreint, chez cette femme de gauche qu’est Vogels, d’une bienveillante compassion pour une “femme très vive et très énergique “.
Marie-Rose Morel, c’est clair, réunissait bien des conditions médiatiques : une jolie femme ambitieuse et battante (35% des voix jadis dans son fief de Schoten), proche de Bart De Wever mais fâchée puis réconciliée avec le grand homme, bien sûr plus extrêmiste que la N-VA mais de cet extrême “acceptable” qui - qu’on le veuille ou non- est une notion qui existe en Flandre, et surtout une simple femme flamande persécutée par le destin et à laquelle chacun pourrait s’identifier.
De là à dépolitiser l’événement, il y a évidemment plus que de la marge.
De là à dépolitiser l’événement, il y a évidemment plus que de la marge.
Bart et Morel, en 2004 |
C'était l'application, mine de rien, du bon vieux principe selon lequel les ennemis de mes ennemis sont mes amis.
Il faut rappeler ici que Morel, plus "flamande" de choc que raciste, qui appartenait au “courant modéré” du parti ( comme l'a confirmé opportunément Manuel Abramowicz) avait pour projet politique de changer le Belang pour le rendre moins extrémiste: ce qui a déclenché la guerre avec l’actuel sommet du Belang, Dewinter et Annemans, dont elle a d’ailleurs révélé les magouilles internes. (ces derniers mois, elle n’était plus membre actif)
Et Morel, qui avait tant tout médiatisé, a aussi politisé jusqu’à ses funérailles.
Bien sûr que l’émotion de Bart De Wever était évidemment authentique. Mais ce faisant, il ne faut pas être dupe, Morel a permis à Bart De Wever d’accéder et de frapper au coeur du système du Belang. Dont de nombreux “cadres” ont déjà avoué avoir voté N-VA en juin dernier.
Quelque part Marie-Rose Morel a laissé un testament: regardez cet homme qui vient pleurer devant mon cercueil, cet ami revenu aux mauvais jours et qui étreint ma maman devant la Flandre entière.
Eh bien, cette cause de l’identité flamande qui m’a tenu tant à coeur, c’est un certain Bart de Wever, mon ancien condisciple, qui la défend désormais le mieux…
La mort de Marie-Rose Morel, c’est peut-être aussi le faire-part politique du Belang.