Ainsi donc, l’association momentanée conduite par le “patriote flamand” Bart De Wever et le “belgicain “ Elio Di Rupo a conduit le Palais à laisser quelque peu lancequiner le mouflon, à marquer un arrêt très symbolique, avec pour objectif très scénarisé d’octaner le carburateur des négociations.
Di Rupo et De Wever, PS et NV-A-liste De Wever, c’est vraiment une paire improbable, l’authentique alliance de la carpe et du lapin.
Deux politiques madrés et talentueux, chacun à leur manière.
Oui, Bart De Wever se cache un peu derrière celui qui rêve si fort d’être Premier Ministre; oui ça peut lui permettre, tout en étant positif pour ses électeurs, tout en apparaissant chercher le compromis, de faire porter le chapeau aux francophones en cas d’échec…
Oui, Di Rupo affiche vouloir transférer près de 16 milliards mais il veille mine de rien très malignement à ne jamais régionaliser à 100%, gardant toujours une clé fédérale.
Bref, De Wever est mis dans cette situation psy classique: trop bien que pour claquer la porte, trop peu que pour rester…
Dans ce contexte, il est une grande question sans vraie réponse: quelle est la qualité de la relation humaine entre Elio Di Rupo et Bart De Wever ?
Comment s’est-elle développée ? Que pensent-ils l’un de l’autre ? Comment leurs egos se concilient-ils ? A-t-elle été perturbée par le coup de sang de Di Rupo lorsque la loi de financement a déboulé pour bousculer ses jolis schémas?
J’ai jadis, par les hasards de la vie, vécu quelque temps à Vollezele-Galmaarden, au coeur des Ardennes flamandes, en gros entre Enghien et Ninove. C’est une région que je connais bien : les jolis vallons du Pajottenland, une zone campagnarde et très verte à deux pas de la frontière linguistique.
Eh bien, c’est là, dans une grosse villa-fermette des années ’30, la “ Villa Home Hellebosch”, que Bart et Elio ont fait vraiment connaissance au lendemain des élections, et ce lors d’un mini-trip ensoleillé et aussi secret que littéraire. Car les 15 hectares de domaine naturel, avec hêtres BHV centenaires, qui les ont accueilli en toute discrétion sont usuellement dévolus aux écrivains et autres artistes du Nord et d’ailleurs. Le propriétaire, c’est “ Het Beschrijf ”, l’organisation culturelle fondée jadis par Hugo Weckx, et financée par le Fonds flamand des Lettres et la Commission Communautaire flamande de Bruxelles.
Un lieu de travail en tout cas extrêmement paisible, très préservé du monde mais dûment connecté à celui-ci: un ordi perso par chambre. Ce qui ne mange pas de pain lorsqu’on est politique ou simplement artiste étranger invité.
Y ont séjournés ainsi récemment: le britannique Jonathan Coe himself (auteur d’une virulente satire de la société britannique des années du thatchérisme), le hongrois Gábor Csordás le Polonais Agata Tuszynska, le Mexicain Victor Manuel Mendiola le Neerlandais Saskia de Jong , le Danois Lars Husum , l’Irlandais Aifric Campbell , l’Américain Julian Rubinstein, le marocain Abdallah Zrika , le Chinois Su Tong , la Russe Alan Tsjertsjesov …
Alexandra Cool, la gestionnaire du lieu, que nous avons joint au téléphone en France, se veut en tout cas extrêmement discrète sur ce séjour incognito :
`” Je ne veux rien en dire. Mais non, ils ne sont pas restés toute une semaine… Et d’ailleurs, quelle importance cela a-t-il ?”
“Oui, ajoute-t-elle, c’est très rare, mais nous accueillons effectivement de temps à autre des gens qui veulent travailler pleinement et complètement en paix…”
C’est donc là, dans les vallons du Payottenland, que les deux délégations de happy fews de la NV-A et du PS ont noué le premier périmètre et ont, surtout, appris à se connaître autour des grandes tables en bois de la terrasse extérieure.
Bart et Elio se sont-ils promenés de concert à bicyclette (à disposition des hôtes) dans les allées du domaine ? On ne sait. Ils sont tous deux plus farce qu’on ne l’imagine.
Ce qui est certain c’est qu’après Poupehan, ( ou Wilfried Martens se réunissait en secret avec Fons Verplaeste –gouverneur de la Banque Nationale- Hubert Detremmerie et Jef Houthuys de la CSC-ACV, pour préparer le gouvernement Martens-Gol) la riante commune de Vollezele risque de devenir, dans la petite histoire de Belgique, le lieu ou aura commencé à se jouer le sort de la “Maison Belgique”.
Un problème sur lequel deux hôtes récents du domaine, le Tchèque Petr Borkovec
et le slovaque Tomaz Šalamun , auraient peut-être pu donner un avis aux deux délégations, forts qu’ils sont de la séparation réussie d’un pays qui s’appelait la Tchécoslovaquie…