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C’est bien connu: un train
peut en cacher un autre. “E pericoloso sporgersi”. Danger: derrière le Thalys wallon, c’est le train
fantôme des volontés flamandes qui déboule. Plus que du simple communautaire:
comme une sorte de réforme de l’Etat masquée qui postulerait un tout nouveau
rôle pour la Région wallonne: suppléer le fédéral.
Vous avez assurément entendu
souvent, dans la bouche de politiques flamands de tous horizons politiques,
cette maxime récurrente: “Ce que la Flandre fait elle-même, elle le fait
mieux”.
Evolution récente, N-VA
aidant, la formule soudain se complète désormais d’un: “Ce que nous, au
gouvernement fédéral, n’avons plus envie de faire, faites-le donc vous même,
mes p’tits wallons…”
C’est une ministre
francophone, Jacqueline Galant, qui stoppe le Thalys wallon mais incite le
gouvernement wallon à le reprendre à son compte.
C’est la même Galant qui
entend supprimer des lignes de la fédérale SNCB puisque les TEC wallons n’ont
dès lors qu’à acheter des bus en plus…
Back to the future
Certes, on pressentait déjà
bien, à l’époque, que l’avenir de la sidérurgie wallonne ne serait pas rose. Ce
qui n’allait pas, que c’est que des dossiers flamands tout aussi peu
enthousiasmants comme ceux du textile, de la construction navale ou d’autres
aussi pourris que celui des charbonnages du Limbourg (qui coûtèrent des
flopées de milliards à l’Etat belge) étaient traités, parce que concernant le
Nord, avec une fluidité exemplaire, les grandes entreprises wallonnes ne
recevant que des portions congrues.
Les choses ont-elles
tellement changé? Certes, d’importantes réformes de l’Etat sont passées par là,
certes les Régions se sont emparées d’importants leviers économiques mais on
voit toujours aujourd’hui des ministres fédéraux s’en allant chanter, non plus
seulement le paisible Vlaams Leeuw, mais bien les partitions nationalistes de
la #Zangfeest. Qui dénotent pour
le moins avec le concept de la “loyauté fédérale”.
Lequel postule, par exemple,
que dès lors qu’une décision de compétence fédérale pourrait avoir des
conséquences pour la Wallonie (ou
Bruxelles et la Flandre) il y ait à tout le moins “concertation”. (le Comité ad
hoc a d’ailleurs depuis été saisi d’office par le Gouvernement wallon).
Le Thalys Vande Lanotte:
1% depuis Ostende
Donc, décide le gouvernement,
il sera suspendu jusqu’à examen
dans le cadre du “plan de modernisation et d'efficience de la SNCB”, oufti.
Mais c’était sans compter
sans un de ces coups fourrés qui donnent décidément toute sa saveur à la
solidarité flamande, surtout depuis l’arrivée au pouvoir de la N-VA. Puisqu’une
décision politique arrêtait le Thalys du Nord, il fallait évidemment stopper itou le Thalys du
Sud.
En y mettant les formes en
communication, c’est à dire en
parlant d’abord d’une “suspension” pour l’installation du système de sécurité
ECTS (sur un tronçon de la dorsale wallonne). Alors que c’est bel et bien d’une
suppression définitive don’t il est question entre les rails.
Pas plus fine psychologue que
mathématicienne, la démonstration en a été faite par le ministre Jacqueline Galant
elle-même, qui n’avait évidemment aucune raison de tant s’embrouiller dans des
chiffres de déficit s’il ne s’agissait que d’une simple et inoffensive
suspension technique, comme la dorsale wallonne en a déjà connu par deux fois.
140.000 passagers l’an
Le hic, c’est que la
fréquentation du Thalys du Sud est
tout de même largement différente: là, on en est à des taux de remplissage de
50%, voire de 60% le week-end.
Pas de quoi crier au succès
mais, mine de rien, le temps a fait que de plus en plus de passagers ont
découvert la ligne. Sous le gouvernement Verhofstadt, une concertation comme
il faut s’était d’ailleurs tenue entre ministres fédéraux et régionaux. Qui
s’étaient accordés à donner du temps à la liaison: non sans résultats, le
Thalys wallon affichant désormais 140.000 passager l’an. Soit 5,7 mio€ de recettes et
effectivement, un déficit de 4,5 mio€ l’an.
Sur ce dernier chiffre là
Jacqueline Galant de Jurbise ne se trompe point: le léger problème qu’elle
ignore tout du fond du dossier. A savoir que si 5 mio d’€ ce n’est pas rien,
c’est tout de même quasi rien dans le budget SNCB et que c’est le prix à payer
pour continuer d’exister sur la carte européenne du train à grande vitesse.
On oublie le grand
consensus d’il y a 25 ans
Passons le fait que
pratiquement quasi-toutes les lignes de la SNCB sont forcément déficitaires (ça
s’appelle un service public), passons le fait que ledit déficit était
tellement connu qu’il était prévu dans le Contrat de Gestion SNCB.
Ce que tout le monde a omis de dire
et qu’il faut rappeler c’est que, jadis, avant le Thalys, de multiples lignes
internationales reliaient, lentement, les grandes villes de Wallonie à Paris
(jusqu’à sept trains par jour).
Et qu’on a oublié un peu vite
le grand consensus politique qui s’était noué il y a 25 ans, lorsqu’il s’était
agi d’abandonner irréversiblement toutes ces liaisons à l’ancienne et de de
positionner la Wallonie, et sa capitale namuroise, sur le réseau européen des
trains à grande vitesse. Histoire de doper, comme ce fut le cas pour Lille, le
développement économique.
Ce ne fut d’ailleurs pas
évident: il a fallu se battre pour que les lignes à grande vitesse s’installent
en Wallonie et les permis de construire furent un feuilleton sans relâche.
Si on n’y prend garde, à
force d’en sourire, on en arriverait, avec le folklore mathématique de
Jacqueline Galant, à en oublier l’essentiel: à savoir que, jusqu’à nouvel ordre
(ou nouvelle réforme de l’Etat) les trains sont financés également par les
wallons. Et que ce cela postule des retours pour la Wallonie.
Le flop du Fyra, si
important pour la Flandre
Paul Magnette, le si discret
Ministre-Président wallon, ne s’est pourtant pas privé de rappeler que lorsque
la Flandre s’est retrouvée confrontée à l’historique flop du Fyra (ce train de conception italienne à très relative
haute vitesse -108 km/heure à peine- qui n’a roulé que six semaines vers les
Pays Bas avec un important arrêt à Anvers), il n’a fallu que peu de temps pour
trouver, avec l’appui wallon, un accord financier ad hoc et mettre en place un
service Intercity de remplacement.
On verra ce qu’il adviendra
du sort final du Thalys wallon, de toute façon à l’arrêt au 1er avril. Une
certitude: tandis que la Wallonie n’a rien à dire sur le
“plan de transport” qui multiplie à l’infini les colères des navetteurs, la
Flandre a développé un bien meilleur réseau ferroviaire, notamment IC, avec une offre
conséquente.
Clair de lune à Maubeuge
Ce n’est d’ailleurs pas un
événement anodin que le Premier Ministre luxembourgeois soit venu, l’autre jour,
à la tribune du Parlement Wallon s’inquiéter de la panne des investissements
sur la mythique ligne 162, celle qui tortillarde de Bruxelles à Luxembourg.
Pour les wallons, la
suspension/suppression du Thalys, c’est la crainte d’un retour à une
provincialisation, alors que, partout en Europe, les compagnies de chemins de
fer dépensent des sommes pharamineuses dans l’interconnexion des villes.
On l’a vu dans le débat au
Parlement wallon: au delà d’un classique conflit Nord/ Sud sur les ressources,
c’est le MR, seul partenaire francophone du gouvernement, qui est acccusé “de
n’avoir pas tenu bon face à la Flandre.”
Le libéral Jean-Luc Crucke a eu beau plaider “pour qu’on extirpe la liaison Belgique-France du monopole du Thalys” et proclamer sa foi dans une alternative qui passerait par le clair de lune de Maubeuge et la gare de Valenciennes, il n’a guère convaincu. Pire: ses petits camarades se sont amusés à lui mettre sous le nez de mâles mais périmées déclarations d’autres libéraux quant à la sacro-sainte défense du Thalys wallon.
Le libéral Jean-Luc Crucke a eu beau plaider “pour qu’on extirpe la liaison Belgique-France du monopole du Thalys” et proclamer sa foi dans une alternative qui passerait par le clair de lune de Maubeuge et la gare de Valenciennes, il n’a guère convaincu. Pire: ses petits camarades se sont amusés à lui mettre sous le nez de mâles mais périmées déclarations d’autres libéraux quant à la sacro-sainte défense du Thalys wallon.
La régionalisation du
rail, objectif flamand
Va-t-on vers un
confédéralisme larvé dont le sort du Thalys wallon serait un des signaux
d’alerte?
Il est clair ici qu’on a appliqué la
fameuse “théorie du gaufrier” c’est
à dire supprimer le Thalys du Sud
pour compenser la
suppression du Thalys du
Nord.
Et il ne faut jamais perdre
de vue que, depuis longtemps, tous les partis flamands ont demandé la
régionalisation du rail, la Flandre souhaitant, avec des nuances, gérer toute
sa mobilité.
Steve Stevaert, l’ancien
président des socialistes flamands, entendait ainsi financer des “lignes
locales d’un rail purement flamand”.
Ou décrocher, à défaut; plus que l’actuelle
clé 60%/40% des investissements ferroviaires..
Suspendu ou définitivement
arrêté?
Le sort du Thalys wallon jouera
en tout cas à coup sur l’image du MR en Walllonie.
Chacun sait désormais qu’il y
a un prix à payer pour tout politique francophone qui entend accèder à la
fonction de Premier Ministre.
Le montois Elio Di Rupo paie
cash aujourd’hui ses concessions aux partis du Nord sur les allocations
d’insertion et les exclusions du chômage.
S’il ne redémarre pas, le
Thalys wallon pourrait conduire à cette question ennuyeuse pour le Premier
Ministre, le wallon Charles Michel: son pouvoir fédéral s’arrête-t-il à Wavre?
Michel HENRION
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