Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mercredi 20 octobre 2010

Bart De Wever, champion de la com' et de la Flandre: une forme d’imposture médiatique permanente…


Bart De Wever ne joue pas à la roulette russe mais à la “roulette belge”, celle ou il y a une cartouche dans chaque alvéole du barillet.
L’inattendu objectif semble désormais de plus en plus lisible: redonner, à plus ou moins brève échéance, la parole aux urnes.
Histoire que sa vague électorale de juin dernier vire tsunami. Avec l'espoir de raboter encore davantage ses concurrents tétanisés. Avec l’ambition de pouvoir se renforcer jusqu’à s’appuyer carrément, directement ou indirectement, sur la moitié des députés du Nord. Histoire de remettre le compteur des négociations à zéro, dans une autre démarche. Et accessoirement de mieux composer ses listes électorales, notamment par de nouveaux transfuges., avec les élections communales de 2012 en ligne de mire…
Jan Callebaut, (Synovate) le “marketer” de Leterme, en est persuadé  comme bien d’autres: “ La N-VA a désormais la certitude que son succès n’était pas une poussée éphémère et on revotera en janvier, passée la Présidence Européenne”.
Bart en arrive à faire se planter Magnette, pourtant as de la com'
Quelque peu isolé il y a peu, Bart a désormais réussi cet incontestable coup de génie que de rassembler les flamands, tous partis confondus, derrière sa note et sa houlette. Ca y est, c’est fait: le voici désormais hissé au leadership de toute la Flandre. Se préparant plus que jamais à un “rôle historique”.
Il est des images qui en disent long. Comme celle de Bart De Wever, au Sénat, donnant dimanche dernier une conférence de presse de plus mais, détail curieux, derrière une barrière de cordon rouge. Tenant caméras et journalistes à distance. Du bon gros cordon séparateur comme on en voit dans les musées, lorsque le Conservateur du lieu entend protéger ses objets précieux de l’inlassable curiosité tactile du public. Le genre de matériel qu’en notre pays n’importe quel conseiller de com fait généralement virer vite fait, tant cela risque de faire prétentieux. Cela n’a nullement dérangé De Wever, dont on n’a sans doute pas assez épinglé la petite phrase par laquelle il se considérait l’autre jour comme “au-dessus des partis”, comme impérial au-dessus de la mêlée.
Une image qui relie directement le leader politique au peuple, supplantant tous les partis, au dela de tous les petits jeux politiciens, qualifiés d’ailleurs par Bart d’ “enfantins”. 
C'est la figure, chère aux nationalismes, de l'homme providentiel, du patriote en prise directe avec l'opinion de son peuple. Il y a là  une démarche personnelle parfumée, toutes proportions gardées, à l’esprit du Général De Gaulle ou du Général Boulanger dont le mouvement, porté par les urnes, ébranla la Troisième République avant, qu’exilé, il ne se suicide au cimetière d’Ixelles.
Et on est aussi interpellé, à la lecture, par cette anecdote de Bert Cruysmans, l’humoriste flamand, qui confie qu’après avoir vu son spectacle fin 2009, De Wever était venu se plaindre “qu’on n’y parlait pas assez de lui”
Ca ne vous a jamais frappé, vous, que le respectable engouement de Bart pour l’époque romaine (voir la fascinante video de son récent mariage à l'antique) déborde désormais à ce  point dans notre vie politique ? Qu’il use et abuse du latin pour marquer désormais chaque étape de son parcours ? Que l’on soit soudain obligé de se précipiter sur les pages roses du dico ou de wikipédier pour deviner le sens caché de ses latines maximes ? On est loin ici des“haïkus” anecdotiques d’Herman Van Rompuy: c’est comme si l’adepte de Cicero ( “le premier devoir d’un homme politique est de se rendre populaire”) traçait sa route selon une vision qui lui fait donc troubler tous les codes politiques, bousculer tous les protocoles, provoquer toutes les contrariétés (comme relancer illico BHV dès sa note désavouée ).
Ce n’est donc pas par hasard si Bart De Wever a reçu hier le premier prix “Lobby” de la communication politique: s’adjuger la confiance de 70% des flamands, amener les autres partis du Nord à devoir coller à la N-VA, miner de plus en plus -CD&V aidant- le chemin d’Elio Di Rupo vers le 16 rue de la Loi, forcer les partis francophones à devoir justifier et amodier un refus perçu par l'opinion comme une erreur, c’est effectivement très fort.
Et c’est vrai que les “partenaires de confiance” présents à la table des négociations n’ont  pas formidablement communiqué pour ce qui est de l’inacceptable de la note De Wever.  Difficile exercice, souvent technique, là ou l’habile com’ de De Wever (avec un texte loin de toute révolution copernicienne) avait réussi à susciter, au Sud, l’espoir d’un bon vieux compromis à la belge. C'était d'évidence un trait de génie que de déposer, lui, un texte dûment écrit. Qui est apparu à beaucoup comme un élément enfin concret dans le jeu par trop fumigène des négociateurs. 
C’est Wilfried Martens qui se réjouissait de ce que “seuls  un petit nombre d’initiés comprennent parfaitement les textes “ de la loi de financement. Que “pratiquement personne n'en connaît les mécanismes sous-jacents, tout en jurant leurs grands dieux que le système est équitable…” Et Jean-Luc Dehaene de renchérir en expliquant “ que certains problèmes ne pouvaient être résolus que par des textes compliqués et accessibles à un petit nombre de personnes”.
Alors, aller expliquer, communiquer à l'homme de la rue francophone pourquoi les 50 pages de Bart auraient des conséquences financières conséquentes, sinon désastreuses à long terme, c’est pas vraiment du gâteau. Et Paul Magnette, pourtant excellent communicateur ( à preuve, sa 3ème place au classement “Lobby”) s’est d'ailleurs, en jouant avec les pourcentages, joyeusement et totalement planté à l’exercice.
Lequel est pour le moins périlleux puisque le “clarificateur”, en négociant son texte avec lui-même, avait habilement repris- en l’additionnant de poivre noir et jaune- la sauce et  l’”architecture “même du pré-formateur Di Rupo, déjà lourde de pas mal d'importantes concessions francophones .
Une chose est certaine: c’est que, après quatre mois passés à mieux cerner l’homme De Wever, les négociateurs francophones, tous partis confondus, ont largement appris à intégrer ses multiples langages,  ses paradoxes faits pour troubler ou imposer, ses engagements aussi momentanés que volatils,  ses stratégies en illusion d’optique. Bref, on continuera peut-être à négocier mais sans illusion aucune.
Bart De Wever est un as de la communication, c’est sûr: mais c’est aussi, à l'instar du nationalisme, une forme d’imposture médiatique permanente.

Paul Magnette (N° 3 de la com derrière De Wever et Di Rupo) aux côtés du PTB Raoul Hellebaut (mention spéciale)
( photos  Eric Herchaft/Reporters )




BART DE WEVER RECOIT SON PRIX