Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

vendredi 29 octobre 2010

Le Media-Boxing de Bart De Wever connaît désormais sa limite: c’est le grand retour du balancier …


                                                                     
                                                                               “Ce n’est pas un reproche, c’est juste un problème “ (de la phrase-culte de Bart De Wever appliquée à lui-même)


Cruel. Quatre mois sont à peine passés et c’est déjà, oui, souvent très cruel que de relire les promesses électorales d’avant le scrutin de juin. C’était le temps ou le CDH j’ t’unionfaitlaforçais et voulait un gouvernement illico presto parallèlement “avec un dialogue de communauté à communauté”. Ou Ecolo entendait investir, oui, massivement dans les transports publics (alors qu’on supprime encore, ben oui, des lignes aux TEC…) Ou le MR se voyait rester au pouvoir et promettait, évidemment fiscalement, du “ pouvoir d’achat”.
Ou le PS additionnait les milliards pour augmenter plein d’allocations et  pensions et qu’elles deviennent ” sereines”. Tandis que la N-VA, parti alors encore totalement ovni pour les francophones, martelait: “ Ce que nous disons, nous le faisons”.
Les échoppes politiques du marché électoral se doivent de faire rêver. Vendent toutes de la lotion pour chauve, plus ou moins concentrée en démagogie.
Après 140 jours stagnants, les promesses se sont largement évaporées mais l’usine à cosmétique n’en produit toujours pas moins à plein rendement. Cette fois de la crème faussement rassurante: à en croire ces esthéticiens politiques, le pays pourrait se payer une interminable crise institutionnelle en n'en souffrant que pouic.
Et puisque la stratégie soporifique à peine camouflée de divers partis et milieux influents est “d’user la N-VA”, et puisque politiquement on n’en est en fait nulle part (les négociateurs n’ont jamais même abordé le socio-économico-budgétaire) on fait comme si ce blocage des machines d’Etat pouvait continuer-durer fort longtemps sans conséquences aucunes. Comme si les coûts camouflés de cette crise n'allaient pas s'additionner un jour. Comme si on pouvait sans cesse décider de ne rien décider.
A s’en taper le front.
Et le réveil sera donc dur, dans une Europe budgétairement exigeante et qui vire, tendance lourde, à droite.
 Certes, plein d’indicateurs sont relativement bons, certes on pourra encore camoufler par astuces l’effrayant déficit réel de la Sécu, certes on voit s’alléger les perspectives d’austérité (vocabulaire de droite) ou de rigueur (vocabulaire dico de gauche). Evidemment, on a davantage parlé de la bogdanovée photo non-photoshopée d’Elio Di Rupo en cover de Télé- Moustique plutôt que du contenu de son interview: le président du PS, parti miraculé de la social-démocratie européenne, y livre pourtant une estimation new-sound
A savoir que, pour lui, il “faudra trouver un cocktail subtil de mesures” (hors consommation des ménages et investissements) pour “économiser 4,5 à 5 milliards par an”. Intéressant, car c’est bien moins que les précédentes estimations d’Yves Leterme (27, puis 22 milliards); même si, mine de rien, cela nous fait tout de même 200 milliards d’anciens francs belges l’an.
(Notez  au passage que c’est d’ailleurs ici une des techniques de com’ préférées de Bart: donner le refinancement de Bruxelles en vieux francs…)
Les plus finauds politiques le flairent, le perçoivent, le hument: après 137 jours, l’opinion publique, pas vraiment dupe, qui n'a aucunement besoin de Paul le Poulpe pour être clairvoyante, s’inquiète.
 Ce qui explique tout à la fois la démarche d’Albert 2 ( consulter le thermomètre de nos finances publiques, y compris avec le ministre-président MR des Finances), certaines interviews ( comme celle du présidentiable MR Charles Michel, prenant ainsi à contrepied les bombinettes d’Olivier Maingain) et la grande offensive de mauvaise humeur du MOc, de l'Union Wallonne des Entreprises ou des syndicats, l’influent boss de la CSC-ACV coupant, après la FGTB, toute vélléité de toucher à l’index comme le projette la N-VA.  “Puisque moi je suis de droite”, dixit Bart De Wever,  qui sait que les partis civilisés doivent, un peu partout en Europe, intégrer  de la “droite décomplexée “ à la formation des coalitions.
 Ce qui “n’est pas un reproche mais posera juste un problème” à la N-VA, lorsque certains ouvriers ou employés flamands syndicalisés, qui avaient déménagé-zappé leur vote en juin par enthousiasme flamand, s’apercevront qu’ils ont voté aussi pour un certain patronat.
Bart De Wever a trop pratiqué son sport favori, le media-boxing.
A force de multiplier les coups politiques successifs et contradictoires, à force de serpenter entre toutes les attitudes, de jouer au forçat de l’agit-prop pas toujours vraiment honnête, à force d’attaquer tout ce qui lui déplaisait, bref à force d’avoir pris ses adversaires pour des nuls, Bart De Wever , vient- uniquement de par ses propres excès- de connaître son premier coup de bambou en quatre mois.
Certes, il ne faut pas se leurrer: coup de bambou certes, mais pas de gong. De Wever est un talent politique redoutable et son karma flamand reste intact. Rien ne change sur le fond : la N-Va reste le fer de lance du patriotisme flamand.
Mais, pour son image, devoir ravaler sa demande d’urgence sur BHV, c’est une symbolique terrible. Pour la première fois, son slogan se brise. Puisque, sur ce dossier sacré qu’est BHV, la N-Va ne fait pas ce qu’elle a dit.
On ne s'en prend pas impunément, sans réaction, à tout ce qui vous déplaît : à la Banque Nationale, aux syndicats, aux autres partis, à un certain etablishment et , bien entendu, au Palais, qui s’est senti violemment attaqué.
Certes, le Palais s’est, de tous temps, bien plus méfié d’un séparatisme wallon que de celui qui soufflait au Nord.
Mais on ne nous fera pas accroire qu’au delà des relations qu’on dit “ pas désagréables”’ entre Bart et Albert 2, le Palais regarderait d’un oeil calcaire les volontés de la N-VA  républicaine et accepterait de tendre la joue droite lorsqu’on l’a durement souffleté sur la forme et le fond…Que le premier parti belge soit aussi républicain, et multiplie les initiatives pour mitiger le rôle de la Monarchie, on doute que cela laisse indifférent.
Ce pays est traversé par de grandes influences plus ou moins discrètes, des réseaux d’intérêts mélangés, des lobbys qui savent peser et ne jouent pas forcément au ping-pong, des pouvoirs nomenklaturés aux intérêts souvent très divergents. Mais qui, parfois, se rejoignent. Et connaissent eux, non pas l’usage du bazooka permanent, mais du plus subtil tirage de tapis sous les pieds. (Qu’on se rappelle le complot, pudiquement évoqué fin d’été par “De Tijd”, qui se serait tissé  avec l’appui de l’ex- grand patron Vaast Leysen)
En ces temps d’apaisement ou Johan Vande Lanotte se fait aussi habile que positif, tiens, à  la place de Bart, on considérerait que c’est plus que juste un problème.
Et qu’il existe toujours, en politique, une sortie par le haut.
 Un joli exemple du Media-Boxing de Bart: l'autre jour, il se dit indisponible à rencontrer Johan Vande Lanotte "en raison de circonstances familiales": pourtant, il déjeune longuement le même jour au Sénat entouré de quelques affidés.