Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

samedi 2 octobre 2010

Pourquoi la durée de la crise indiffère De Wever : le "temps selon Bart" s'écoule très différemment ...

Quand diable Philippe Muyters, l’actuel Ministre des Finances du Gouvernement flamand, deviendra-t-il le Vice-Premier Ministre NV-A d’ Elio Di Rupo, seul candidat-repreneur du 16?
Et le sera-t-il seulement ?
Une seule certitude: c’est que tous ceux qui égrènent impatiemment le boulier-compteur des jours de crise doivent se persuader d’une chose: Bart De Wever a une toute autre notion du temps.
Celui-ci n’est pas pour lui à l’image de l’horloge qui s’écoule inexorablement.
Le Président de la NV-A a compris que la vie, fut-elle politique, se construit selon nos mouvements, c'est-à-dire ce que nous provoquons.
D’ailleurs, avec Bart De Wever, les ruptures ne sont jamais irréversibles: il laisse juste revenir l’autre vers lui…
Le Soir” de ce ce 2/10 titrait symptomatiquement une fois de plus: “ Les francophones attendent la NV-A”: ben, de fait, rien ne presse pour celle-ci, les flamands jugeant souvent le PS aussi inflexible que ne l'est la NV-A pour le PS.
De Wever a tout son temps, genre “ Tiens, on va voir ou tout cela, ou tout ceci, nous mène et puis on avisera…” N’écartant en fait quasi aucune hypothèse. Y compris celle d’un retour aux urnes pour de nouvelles élections(pas pour un referendum, sa seule angoisse)
Un mental psy très fort parce que De Wever a plein de bonnes cartes en main.
Parce que la bonne situation économique de la Flandre, fut-elle tuméfiée (Opel, etc…),  n’a pas encore de quoi trop le préoccuper. Parce que s’il est l’homme à abattre, on ne peut encore le battre.
Parce que le CD&V, porteur du combat flamand mais dans un cadre belge, semble avoir épuisé cette raison d’être historique; et pourrait se retrouver encore plus nu à l’issue d’un nouveau scrutin. ( l'ex Directeur du Centre d'Etudes des sociaux-chrétiens est d'ailleurs en passe de rejoindre la N-VA). Parce que le Belang étêté se déchire en interne, même si de nombreux analystes le voient rebondir  si la NV-A n’arrachait rien de ce qu’elle a promis à la Nation flamande .
Parce que, loin de voir Bart s’effondrer, les sondages de crise dans une Flandre exaspérée le portent toujours plus haut. Rien d’étonnant à cela d’ailleurs: tout gagnant politique connaît sa période d’ “état de grâce". Une garantie qui vaut généralement pour douze mois, au bout desquels les comportements électoraux peuvent alors changer et précipiter vers le déclin des hommes comme Yves Leterme…
Bart De Wever a le temps parce qu’il a un volontarisme politique devenu inhabituel au pays du compromis porté au mou et aux nues. 
Et des pratiques de négociation déconcertantes autant que madrées. Pour ne pas dire plus, selon d’aucuns(1) Parce qu’il lui faut aussi garder la confiance, non seulement des ultras de son parti mais aussi de ces centaines de milliers de nouveaux électeurs, pour qui la NV-A est tellement attractive.
Ce n’est qu’un détail, mais il en  dit beaucoup. Il faut voir ou est située la toute nouvelle maison que Bart vient d’acheter à Deurne: sur une sorte de presque autoroute urbaine, coincée entre le parking d’ un hypermarché Delhaize, un concessionnaire BMW et la pub rose tapageuse et envahissante d’une firme de crédit hypothécaire. Mais c’est performant– plein de place pour ses quatre enfants dans cette immense bâtisse des années ‘60- et efficace: à deux pas de l’entrée du Ring.
Performant et efficace”: un peu les deux mots clés de la Flandre actuelle.
Chers à tous ces électeurs flamands qui ne sont pas forcément séparatistes à la mode De Wever (c’est à dire le confédéralisme très radical) mais qui votent NV-A juste pour cette “efficacité” qu’on leur a promis, d’ailleurs non sans simplismes.
 Bart De Wever n’a pas peur du temps perdu puisque, pour lui, une négociation peut aussi, tout bonnement, échouer.
Il y en aura bien une autre qui suivra, forcément.
Et les francophones ont tort de le diaboliser jusqu’au grotesque (2): rien de neuf sous le soleil. 
On ne cessera de le rappeler: De Wever applique  au pied de la lettre la stratégie flamande définie par le CD&V Herman Van Rompuy (si, si…) en 2005: à savoir qu’il suffit de dire qu’il n’y aura plus jamais de gouvernement belge sans la  réforme confédérale exigée par le Parlement flamand.
On ferait mieux de l’écouter plus attentivement, Bart : qui a relevé, au Sud, dans sa “leçon  académique” à l’Université de Gand, la petite phrase ou il dit promettre “de défendre becs et ongles la solidarité ” ?
Enorme mensonge destiné à rassurer alors que le vrai but caché serait de supprimer tout transfert ? La méfiance ne doit jamais virer préjugé ou au présupposé. Juste susciter un rapport de forces exigeant et méfiant.
Car avoir du pouvoir, c’est notamment contrôler le temps des autres. Les fatiguer aussi. Et Bart De  Wever mène donc sa barque très lentement, à la perche, lui-même restant au plus loin, ne s'engageant perso jamais trop.
Il a fallu ainsi bien du temps aux négociateurs francophones pour, après qu’ils aient concédé la scission de BHV et régionalisé un bouquet-cadeau de milliards,  ils ne découvrent, un brin stupéfaits, que l’essentiel, pour l’historien d’Anvers, était l’autonomie économique de la Flandre. Via rien de moins que la refonte totale de la loi de financement. Ce qui est tout autre chose que d’échanger des compétences contre des sous pour Bruxelles, alors que celle-ci les mérite par elle-même.
Et, là aussi, Bart De Wever a le temps: parce que, pour lui, ce n’est pas la confiance qui fait naître un accord. Mais celui-ci qui, justement, crée seulement la confiance ou quelque chose qui y ressermble.
La zone d’accord est réduite, mais celui-ci- surtout si Elio et Bart s’emparaient enfin directement du dossier- reste, surtout si on y va par étapes, théoriquement possible. Comme le disent depuis lurette, simulations à l’appui, pas mal d’experts académiques très wallons y voyant même une “meilleure gouvernance” (mais les spécialistes universitaires sont encore moins appréciés par les politiques que les journalistes, c’est dire). 
Reste évidemment à sauter le fossé, plus bloqué que comblé, entre négociateurs du Sud et du Nord.
Elio Di Rupo, fatigué, éreinté, s'est clairement mis en retrait. Et Bart De Wever refuse, pour l'heure, de jouer le premier rôle et, pire, ne prend aucune initiative.
Résultat : l’immobilisme s’avance et on ne sait  plus comment l’arrêter.
 Surtout lorsque le boss de la NV-A prend – toujours sa gestion du temps- bien soin de se tenir loin en réserve et d’envoyer en première ligne des boutefeux genre Ben Weyts dont on ne sait s’ils sont en mission commandée ou simplement incontrôlables. On peut passer des heures à supputer l’interne de la NV-A: quel intérêt si les actes de De Wever en sont la synthèse?
Bart De Wever aura donc le temps pour tout, y compris pour le si sensible dossier des 22 à 25 milliards d’euros d’austérité ou de rigueur. Car pas question pour la NV-A de “laisser-on cite- les francophones les prendre une fois encore dans la poche des gens” via “ une sérieuse augmentation des impôts”. Pour De Wever, bon nombre de ces milliards devront découler d’ économies découlant de sa réforme de l’Etat confédéralisé. Pas question, isolé qu’il serait dans une coalition peu marquée à sa couleur de droite, de risquer une débâcle électorale par des mesures déplaisant à son électorat de classes moyennes conservatrices et de petits patrons flamands. Sur ce point, cela fait longtemps que les partis francophones vendent de la lotion pour chauve:  tous ces milliards, ceux à dépenser dans le peu qui restera des promesses électorales, dans ce qu'il faudra surtout économiser, de ce qu'on accordera à Bruxelles, il faudra bien les trouver quelque part, non ?
Et qui dit “économies de structures” à la NV-A regarde la capitale.  Bart De Wever prendra aussi le temps qu’il faut pour revendiquer à tout le moins, malgré toutes les études in-ter-na-tio-na-les appelées à la rescousse par Charles Picqué, un certain allégement des couches de superposition de ces structures bruxelloises qui font  recenser... 6 mandataires au km carré. Dans une des villes incontestablement les plus malpropres d’Europe. Un cauchemar institutionnel que les  plus lucides des francophones bruxellois- sans parler des wallons- ne défendent plus vraiment, conscient du caractère  insupportable pour l'opinion. ( ah, ce Gouverneur fantomatique de Bruxelles...) Sans être pour autant naïfs quant aux volontés de conquête flamande.

Bart De Wever prendra son temps, et même encore plein de contretemps, pour tout cela. Ne pas déboucher sur un compromis n’autorise pas à hurler au chaos:  l’absence d’accord ne signifie pas automatiquement le boxon.
Et si cette longue négociation-ci perd un jour de son sens,  il n’y verra évidemment rien de grave: puisque les statistiques des GSM (2% de trafic seulement Nord-Sud ou Sud-Nord selon la nouvelle GSMocratie)  confirment son discours récurrent, il sera prêt, soyons-en sûr, à débattre- toujours aussi impavide- de la séparation de ces deux démocraties belges.
Qui ne se parlent donc même plus, malgré tous les efforts de Proximus, Base et autres Mobistar. 

 Bonus:
(1) L’Ecolo Marcel Cheron a dit : “ Je n’ai jamais connu une telle déloyauté, du moins à ce point là…
(2) L’acteur wallon Olivier Gourmet, qui se "fout d'être belge” et qui  a fait par deux fois son cinéma d’horreur contre De Wever ces heures-ci (" De Wever, c'est un fasciste que j'associe à des monstres comme Hitler” a-t-il finement lâché à L’Avenir”) devrait améliorer son peu de culture politique: il saurait que les admirateurs du Fuhrer se situent plutôt au Vlaams Belang.
On méconnaît trop que la NV-A est l'ennemie jurée du Belang
Et que la NV-A démocratique de Bart De Wever, “l’ami” de la présidente des socialistes flamands, a rendu en juin  ce très grand service à la Flandre de laminer le Belang fascisant, lui faisant perdre près de 300.000 voix. Gourmet, qui habite Mirwart, dans le Namurois, en ignore d'évidence tout: miroir, ô  mon beau miroir, faites surtout qu’on parle de moa…