Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

vendredi 15 octobre 2010

Le "teasing" de Bart De Wever, goinfre politique: la NV-A croit-elle vraiment pouvoir imposer simultanément toutes ses visions ?

 Faire de la politique fédérale rue de la Loi, c’est désormais comme ramper dans un tunnel de barbelés acérés.
Allez, franchement, au delà des déclarations convenues, au delà de la proposition "au dessus des partis"  annoncée gaullistement par  le "clarificateur", peut-on encore imaginer qu’ils gouvernent vraiment ensemble ? Vous le voyez naître, ce qui est une chose, et puis fonctionner, ce qui est tout autre chose, ce gouvernement Di Rupo-Muyters ?

Si ça n’a pas marché dans les semaines d’après élections, lorsqu’ils s’entendaient ou faisaient semblant d’y croire, pourquoi cela fonctionnerait-il subitement, alors que l’un pense pis que pendre de l’autre et inversement?
Il se dit que le Palais garde soigneusement en réserve une carte plus impressionnante que les nouvelles appellations, de plus en plus fantaisistes, des chargés de mission royaux successifs: convoquer ce fameux Conseil de la Couronne composé de tous les Ministres d’Etat. Carte jusqu’ici jamais abattue car effectivement non sans risques, à l’instar de l’idée de la grande Consultation populaire, dont les modalités (régionales) s’affinent, sinon se dessinent pourtant discrètement.
On n’en est donc pas encore là: on se contente de vivoter à un rythme maniaco-dépressif en attendant Bart, ou plutôt le rapport que le boss de la NV-A déposera hors "du chemin des solutions compliquées". Un document curieusement annoncé par un communiqué de presse aguichant  en forme de teasing, de bande-annonce politique et qui ne sera sans doute pas du mou pour le chat. 
Ce n’est pas le genre de De Wever, qui a voulu décrocher ce rôle, que de jouer les utilités. Surtout si le projet ultime est le reboot via de nouvelles élections. Ce qui l’est, par contre, c’est de se servir du rôle pour reprendre l’avantage en déplaçant son jeu  vers ce qui est censé assurer la pérennité à long terme de la NV-A dans le paysage flamand: à savoir une politique économique et éthique marquée à droite. Marquée par la logique nationaliste, entendez un certain égoïsme économique. Ce même état d’esprit qu’on retrouve dans le Nord de l’Italie-Padanie ou en Catalogne.
Et qui explique, fait mieux comprendre à lui seul la toute grande méfiance des wallons et des francophones. Puisque dans la réorganisation électrochoc du pays- et loin d’être paradoxalement forcément idiote- prônée par De Wever, le hic est que  toute solidarité dépendrait  largement de… la seule bonne volonté des partenaires confédéraux.
Nouvelle question: vous croyez, vous, qu’une telle bonne volonté serait formidablement présente au Nord du pays,  avec ou sans la NV-A ?
Que reste-t-il d’ailleurs des derniers flirts belgicains de la campagne électorale ? Le CDH s’efforce de faire oublier le slogan (“L’Union fait la force”) le plus à côté de la plaque de l’histoire de la communication politique, MR et Open VLD vivent leur vie carrément l’un sans l’autre; PS et SPa, qui refaisaient presque le PSB en évoquant une “coupole commune", sont en cure de refroidissement, Caroline Gennez- qui positionne désormais le SPa comme un “parti du centre à gauche du centre”- n’appréciant  que peu de se faire traiter de “petite formation presque alignée sur le SPa”.(dixit Moureaux) Quant au tandem Ecolo-Groen, cela a finalement compliqué les choses puisqu'on ne sait toujours pas vraiment si les Verts sont intéressés au pouvoir au delà de l'institutionnel, d'où une balance dont on peut objectivement comprendre qu’elle soit trop déséquilibrée  pour la conservatrice NV-A.
C’est désormais clair: Bart De Wever adore, en bon tacticien-historien, diviser, perturber pour régner. Mais si, dans sa proposition  ("de vastes négociations devront être entamées sur la politique sociale et économique, sur l’assainissement des finances publiques ainsi que sur la politique en matière de cohésion sociale", bande-annonce De Wever) il change son accent tonique pour le porter sur une ligne économique drastique, sûr que clarification par l’absurde il y aura. Et qu’il a toutes les chances de se faire envoyer par d'aucuns chez Plumeau.
 Vouloir tout à la fois imposer en même temps une réforme de l’Etat très systémique et une politique socio-économique très colorée à droite, c’est un objectif pour le moins goinfre pour un seul parti. 18% des voix fédérales, c’est certes beaucoup mais c’est aussi bien trop peu tout à la fois.
Il est à la mode de répéter que Bart De Wever n’est pas Yves Leterme puisqu’il ne cultive  pas, lui, en bon patriote de la Flandre, le rêve assez égotiste d’aller s’asseoir au 16 rue de la Loi. C’est vrai: il n’empêche que, dans le dossier BHV, on a bien vu, à la Chambre, que, face aux attaques cruelles du Belang et de Jean-Marie De Decker, la NV-A avait grand usage de la gomme à effacer tout sourire.
Si on y réfléchit, Bart De Wever n’a  gagné les élections qu’en répétant et amplifiant  à l’intersidéral les promesses déjà à la gonflette d’Yves Leterme cru 2007. L’électeur flamand a voté à nouveau pour un parti manufacture de serrures censé lui ouvrir,  cette fois en même moins que 5 minutes de courage politique, toutes les portes du paradis jaune et noir de l’autonomie flamande.
Comme si les francophones n’étaient pas très défensivement armés par les trois solides cadenas constitutionnellement arrachés en 1970: parité gouvernementale (pourtant conçue à l’époque…en faveur des flamands), majorités spéciales aux deux tiers et, surtout, cette sonnette d’alarme qui  réduit toutes les mandolinesques propositions de loi sur la scission de BHV à un événement surtout médiatique…
La stratégie de Bart De Wever, qui fera sourire d'aucuns puisqu'il demande cette fois que " tous les acteurs soient honnêtes sur leurs intentions", est toujours aussi insaisissable qu’une anguille dans un baquet d’huile. Mais, même avec ton d'homme d'Etat, elle ne le mène désormais plus à grand chose tant qu’il n’admettra pas que- sauf improbable “révolution des gaufres” qui ferait de lui le Vaclav Havel de la Flandre- il lui faudra d’abord apprendre un verbe tout simple: négocier. Réellement.