Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

samedi 11 décembre 2010

Bart De Wever: l'interview-confession du canard qui reçoit un demi-tsunami sur la tête…


Quelle est la part de vérité de l’homme ? Quelle est celle du jeu politique ? Toujours est-il que Bart De Wever a donné (11/12) à Wouter Van Driessche  du “Tijd-L’Echo” une interview personnelle assez rare. Parce que marquée par une certaine, même une réelle authenticité.

Avec, en marge, un fait à épingler: c’est qu’il se confirme que si leurs programmes politiques sont aux antipodes, Bart De Wever et Elio Di Rupo –qui évitent à tout prix les caméras parce que chacun sait que ce n’est pas forcément apprécié de son électorat- n’ont pas les détestables rapports personnels qu’on leur prête parfois...
 Cette semaine, dans CinéTélé Revue, Di Rupo déclarait :
 “ Je n’ai jamais eu de mauvaises relations avec M. De Wever. Elles sont même d’une certaine franchises, cordiales. Mais nous avons deux systêmes de pensée très différents.(…) J’apprécie beaucoup quand il parle de l’Histoire. Il y a des moments de grande sincérité chez lui. Quand il est plus en confiance, il exprime des choses qui me permettent de comprendre à quel point il est difficile pour lui d’arriver à un accord”.
 De son côté, dans “L’Echo-De Tijd”, Bart de Wever y va itou à la brosse à compliments.
 Morceaux choisis:
 - “Elio Di Rupo, pendant des années, à la N-VA, nous l’avons considéré comme un petit comique, une caricature. Le symbole d’une certaine Wallonie.(…) Cela dit, quand on apprend à le connaître personnellement, on ne peut que changer d’avis. J’ai dit un jour de lui qu’il était fascinant, l’Elio. Je ne vais pas le répéter ici. Mais c’est un homme de style, réellement charmant. Et puis, une leçon de vie. Son père est mort alors qu’il n’avait qu’un an. À l’égard de ce genre de personnes, on ne peut qu’éprouver du respect. Même si, à de nombreux points de vue, il est mon opposé. "
  - “Elio Di Rupo peut se fâcher violemment, mais même dans ce cas, c’est avec grâce et style. Moi-même, je ne supporte pas les gens qui font de l’esclandre. En 2007, un leader libéral m’a traité de tous les noms sur un ton très agressif. ‘Est-ce que le but de tout ceci est de m’impressionner ?’ ai-je demandé, glacial. Dans ces moments-là, à l’intérieur, je ne bouge plus d’un millimètre.’
 - " Lors d’une de nos premières rencontres, poursuit De Wever, Elio m’a dit : ‘Bart, explique-moi un peu ce que c’est, le nationalisme. Sur le plan psychologique et politique, comment vous situez-vous ?’ Je lui ai exposé mon point de vue et lui ai conseillé le film ‘Michael Collins’, ayant pour protagoniste un indépendantiste irlandais. Le lendemain, Elio s’était procuré le film et l’avait visionné. ‘Dis Bart’, me dit-il alors en arrivant. ‘Ces nationalistes… Ils tuent quand même pas mal de gens, hein.’
 C’était hilarant, conclut Bart. Un très beau moment.’ "
 Sur sa communication souvent fortement basée sur l’émotion:
 ‘La politique est un savant mélange de raison et d’émotions. Pour avoir le soutien de l’opinion publique, on joue sur les émotions davantage que sur la raison.(…) Chacun des choix que le politique opère est en partie calculé. Et donc bien sûr, celui d’utiliser certaines émotions. Mais ces émotions ne sont pas pour autant feintes. Il ne faut pas le voir comme une mise en scène. Les politiques font ces choix en une fraction de seconde, de manière très instinctive. Parce que ce sont des animaux politiques. Ne vous imaginez pas que ce choix résulte de longues réflexions ou de considérations stratégiques. En tout cas, pas en ce qui me concerne."
 Sur le “chemin de croix “ de l’homme politique:
 “Je ne me plains pas de la vie que je mène. Quand on a la chance, comme moi, de faire de sa passion un métier, et en plus d’être grassement rémunéré pour le faire, on peut s’estimer chanceux. (…)Pendant de longues années, j’ai dû me mettre à genoux pour faire ma place, pour un passage sur VTM.(…) Lorsque le cartel avec le CD&V a éclaté, le 23 septembre 2008, j’ai commencé à travailler  comme un damné. (…) J’ai vu toutes les salles de conférence de Flandre, cette année-là. D’Hasselt à La Panne. Je suis parti le 23 septembre 2008, et je suis rentré chez moi le 10 juillet 2009 à 2 heures. Le lendemain, je me mariais. Je n’oublierai jamais le moment où mon épouse m’a réveillé pour me demander : ‘Je mets quoi aujourd’hui?’ "
 Sur la brutalité de l’homme de la rue:
 “La population est devenue très dure par rapport au monde politique. Il faut que nous soyons blancs comme neige, et presque parfaits sur le plan humain. Nous sommes par ailleurs censés travailler jour et nuit, à plus forte raison aujourd’hui. Dès qu’on sort le nez dehors plus d’une minute, nous sommes assaillis d’e-mails : ‘Tu n’as rien de mieux à faire de tes journées, sale voleur ?’ (…)‘Hugo Schiltz m’a toujours dit : ‘Bart, l’homme politique est un canard. Si tu lui balances un seau d’eau sur la tête, il lui suffira de se secouer énergiquement les plumes et il sera à nouveau sec.’ Sauf que certains jours, ce n’est pas un seau d’eau qu’on me jette au visage, mais un demi-tsunami.”
 Sur le passé de sa famille:
 “ J’ai été élevé par un collabo. Même si mon père n’est né qu’en 1934. J’ai vu ( à la RTBF)  la porte d’entrée de ma mère et la tombe de mon père à la télévision, entre deux images de nazis. ‘Il a flamandisé son nom en Rik’, voilà ce qu’ils disaient (à la RTBF).
 "Il en faut, des tripes, pour entendre de telles choses sur un père décédé. Ceci dit, ces derniers mois, certaines limites ont été dépassées. Mais bon. J’accepte. Même ça. À la longue, mon réflexe, c’est de dire : ‘Ajoutons cela au reste, dans le classeur. ‘Je collectionne en effet précise Bart De Wever,  ce genre de choses dans un classeur particulier. Le “classeur à merde”. Et j’en ai un autre pour les menaces. Je les classe en fonction de trois gradations. Avec le temps, on apprend à faire le tri. Ceux qui envoient des e-mails sont inoffensifs en général. Ils créent une adresse Hotmail pour pouvoir vous balancer leur fiel de manière anonyme.. Ceux qui écrivent des lettres sont un peu plus dangereux. Ceux-là ont fait l’effort de rechercher votre adresse, d’acheter un timbre, voire de glisser l’enveloppe dans votre propre boîte aux lettres, histoire de bien vous faire comprendre qu’ils savent où vous vivez. C’est déjà bien moins drôle. (…) C’est très simple. Il suffit que je donne une interview à la RTBF pour être aussitôt assailli de toutes parts.’
 Les actuelles négociations ?
 L’intérêt de l’interview c’est précisément que Bart en parle peu, livrant plutôt sa sensibilité. Si ce n’est dans un paragraphe qui dit tout.
 “Les négociations actuelles, après des décennies d’imbroglios et de compromis, se concentrent sur l’essentiel. Le plus difficile. La réforme d’État qui correspond en fait à une lente scission de l’État. Les deux communautés abordent les choses de manière totalement différente. La plupart des Flamands disent de manière très volontaire ‘aujourd’hui’, la plupart des Wallons disent ‘jamais’. Quand ça commence comme ça, on se doute bien que ce ne sera pas une promenade de santé !’
Di Rupo-De Wever: des rapports pas si mauvais que certains ne le pensent...