Décidément, en ce scrutin 2010, c’est un embouteillage d’infractions graves à la loi électorale.
Voici qu’après le semi-remorque de Michel Daerden, c’est un ancien autobus du Tec qui circule et rougeoie aux couleurs d’Alain Mathot, l’autre poids lourd (c’est le cas de le dire) de la Fédération liégeoise. Transgressant donc, lui aussi, apparemment sans sourciller, une des dispositions-clé de la loi: l’interdiction absolue de s’afficher électoralement sur une surface de plus de 4m2. On n’est donc plus dans le dérapage isolé: et c’est à se demander si ce n’est pas la Fédération PS de Liège elle-même (président l’avocat nul-n’est-censé-ignorer-la-loi Willy Demeyer) qui a pris la lourde responsabilité de désormais considérer comme tripette toute une législation éthique si difficilement construite.
Car ceux qui sont chargés de la faire respecter ont dû ramer des années pour amener peu à peu les politiques à s’en imprégner. Ce sont des centaines de lettres qui sont parties du Parlement et de sa Commission de Contrôle (présidée, c’est tout sauf un détail, par les Présidents himselfs de la Chambre et du Sénat) pour amener peu à peu partis et candidats à rentrer leurs déclarations de dépenses, déclarer les dons reçus (pour tout don de… 125 euros maxi il faut enregistrer l’identité du donateur) et se dépêtrer avec des paragraphes législatifs très ardus semant l’incompréhension (les campagnes communes de candidats), des formulaires induisant facilement en erreur de bonne foi… Ou harceler des partis rechignant à déclarer les montants qu’ils peuvent, dans une procédure un brin complexe (10% de 25% de leur maximum d’un million d’euros …) allouer en bonus à ceux qu’ils considérent comme leurs “figures de proue”. (35 nominés en 2007 dont 23 CV&V)
Sans parler des partis un peu folklo, comme le président de Velorution (encore candidat en 2010) dont le déménagement sans laisser d’adresse paraît être l’activité favorite…
En fait, on en arrive d’ailleurs à se demander si les poids lourds à mega-affiches illégales de Daerden et Mathot ne roulent simplement pas au cynisme retour électoral très délibéré.
Car ces deux futurs parlementaires ne risquent en fait, à l’analyse fine, quasi rien.
Car si, pour ce qui est des élections communales, un candidat fautif peut être déclaré déchu de son mandat (il existe un arrêt du Conseil d’Etat qui a confirmé la déchéance d’un bourgmestre et de son mandat de conseiller communal). Car si encore, pour un scrutin local, les candidats se contrôlent mutuellement et peuvent saisir une juridiction administrative avec possibilité de recours, dans la pratique des législatives (plainte auprès du Parquet), cette règlementation n’en arrive évidemment jamais au stade du procès pénal…
Et l’article de loi censé menacer Michel Daerden ou Alain Mathot, ou tout autre candidat violant peu ou prou la loi à leur instar, (les candidats et les tiers qui enfreignent ces interdictions sont passibles d’une sanction pénale, à savoir un emprisonnement de huit jours à un mois et/ ou d’une amende de 50 à 500 euros à multiplier par 5,5-art. 14, § 1er, 4°, de la loi du 4 juillet 1989 et art. 181 du Code électoral) ne rime à rien dans la pratique.
D’autant plus si, au Parlement, ceux qui ont enfreint la loi sont mis définitivement hors d’atteinte grâce à des doubles quorums bizarroïdement pas atteints…
Ce n’est pas pour rien si Herman Van Rompuy, du temps ou il présidait encore la Chambre, avait dit la nécessité “d’évaluer d’urgence” cette loi de 1989.
Ce n’est pas pour rien si l’auteur du dernier rapport de la Commission de Contrôle ad hoc, l’Ecolo Zoé Genot, a écrit “qu’on pourrait la rebaptiser Commission de Constat des dépenses électorales”.
De fait, pour ce qui des précédentes élections fédérales, la Commission de Contrôle a réussi une “première” : ne pas arriver à conclure et à décider si, comme cela devait être son rôle, elle allait dénoncer les infractions au Parquet.
Bref, on a laissé se dérouler efficacement toute la procédure de contrôle mais, au moment de finaliser, de franchir la dernière étape- c’est à dire dénoncer d’éventuelles infractions au Parquet- le quorum des deux tiers n’est comme par hasard pas atteint. Cela “ne peut être considéré comme très satisfaisant” a pudiquement conclu la Commission, d’évidence un peu juge et partie, les parlementaires n’arrivant pas à intervenir contre leurs pairs.
Dans la foulée de 2007, si Karine Lalieux (PS) retira la plainte un temps déposée envers Anne Delvaux (CDH) pour une photo apposée sur une attestation fiscale humanitaire de Cap48, Léon Walry (PS) fut, lui, rudement mis sur la sellette pour des explications controversées sur ses dépenses (10.299 euros au lieu des 5000 auxquels il était limité), d’autant plus que ledit candidat l’était depuis 1985 et ne manquait pas d’expérience. Faute de quorum, ce fut "passez muscade".
Il y a donc un hénaurme hiatus dans le contrôle des campagnes électorales entre ce qui se risque aux élections fédérales et aux scrutins locaux.
Il n’y a que pour les communales que la sanction est vraiment atomique- le risque de la déchéance du mandat- et donc très dissuasive.
Car , à Liège, qui oserait aujourd’hui arrêter un Daerden ou un Mathot dans la course folle de leurs camions peints à l’illégalité criante ?