Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

jeudi 10 juin 2010

LES TROUBLES DE L’ELECTION (40)/ TECHNIQUES ELECT-ORALES: “ JE VAIS VOUS DIRE…” (l’amorce de bon sens d’Elio Di Rupo et N. Sarkozy)


C’est décidément difficile, en communication politique, de trouver le juste ton.
Qu’est-ce qui est préférable: le manque d’assurance, le naturel un chouia naïf, le cruel déficit de “métier” (et la politique n’est que cruauté) de Sarah Turine, la co-présidente d’Ecolo, jeune femme brillante mais qui pourtant perd pied et pédales à l’antenne de par une question-piège préméditée de cette grande pro qu’est Joelle Milquet ? Ou le discours totalement formaté des grands carnassiers de la politique, avec leurs discours récurrents totalement préformés ou formatés ? Avec les fausses formules de modestie, les petites phrases proverbiales entendues jusqu’au vertige dans cette campagne, l’écran protecteur du flou empathique, l’art de l’esquive  finissant par tuer toute réponse spontanée ? Lesquelles ont pourtant, en communication, bien plus de richesse significative. (sans doute Alexander De Croo ou Paul Magnette  sont-ils, dans cette campagne, davantage adéquats: déjà beaucoup de métier, de l’intelligence et un discours déjà formaté mais qui ne hume pas encore par trop le discours hyperconstruit…)
Puisqu’on m’a interpellé  à ce propos, j’explicite un chouia ce que je relevais mercredi soir dans “Sans langue de bois ”-“Elio Di Rupo face aux Belges”. /
A savoir que chaque pro de la politique audiovisuelle a ses trucs et ficelles. Et qu’il me frappe toujours, à l’observation de leur communication, qu’Elio Di Rupo et Nicolas Sarkozy ont ce (rare) point commun non politique, en interview audiovisuelle, d’ utiliser la “technique de l’évidence”. Une petite variante  très habile de la vieille ficelle- qui ne “passe” plus) de retourner la question de l’interlocuteur en l’interrogeant à son tour.
Ici aussi, on renverse les rôles, mais en plaçant juste une évidence, une amorce de bon sens.
Je vais vous dire…” a placé ainsi maintes fois Elio Di Rupo dans ses réponses de jeudi soir.
Une formule qui permet bien sûr de se donner quelques millisecondes de réflexion, de retrouver dans sa base de données le discours de campagne à placer (même s’il s’éloigne à toute vibrure de l’objet de la question) mais surtout de réduire l’interlocuteur ou l’interviewer à acquiescer .
Le “ Je vais vous dire…” force quelque part à regarder passer les péniches sur la Meuse.
 Tout comme d’autres formules de la même veine:
-“ Je voudrais vous dire une chose…
-“Savez-vous que…"
-” Est-ce qu’il faut que…
-“Est-ce que vous croyez que…
Qui peut penser que…"
Cette technique électorale, basée sur un bon sens apparent, permettant surtout d’entamer la réponse en la collant sur sa propre démonstration et tout en donnant l’illusion de répondre concrètement aux questions. Prêtez attentivement l’oreille lorsque vous entendrez à nouveau le président du PS, à qui jamais rien n’échappe en matière d'astuces de com …
Et c’est encore plus futé lorsque, tout en s’écartant et en se désintéressant mine de rien de la question originelle, on assortit le tout d’une anecdote vécue, un peu de “storystelling” ne mangeant jamais de pain en campagne……
(“Jusqu’à minuit sur l’internet, j’ai eu des gens qui avaient perdu leur emploi…”, racontait-il l’autre jour)
C’est le nouveau langage élect-oral de pointe : parler vrai en parlant très volontairement comme les “gens” qui parlent vrai.