La sémantique, le choix des mots, est chose passionnante en communication politique.
Si Joelle Milquet dans son “chat” (de ce 01-06) sur le site internet de "La Libre”, a fait fort en vexant grave les férus des réseaux sociaux ("Je ne fais pas de la politique sur Twitter comme une teenager"), c’est un autre de ses propos qui mérite assurément d’être relevé.
“Je pense, tapotait la présidente du CDH, que le prochain gouvernement devra conclure un pacte pour 10 ans entre les régions, les partenaires sociaux et l'Etat fédéral pour organiser notre stratégie de déploiement socio-économique durable “
Et d’ajouter cette petite phrase vraiment clé autant qu’inédite:
Là, on s’est pincé. Car s’il était un mot qu’on ne s’attendait pas à voir repris par la remakeuse de “L’Union fait la Force” même si c'est peut-être un freudien lapsus psychologique, c’est bien celui de “confédéralisme”.
Ce que la tête de liste CDH au Sénat, Francis Delperée, qualifiait une fois de plus, au micro de Fred Cauderlier sur les ondes de Bel-RTL, (31-05) de “fédéralisme des cons”.
Ce qui lui avait valu cette réplique un brin vipérine du PS Philippe Moureaux, dont la traditionnelle technique de com est la déstabilisation :
“ Monsieur Delperée va alors devoir s’asseoir avec beaucoup de cons…”
De fait, en Flandre, la NV-A, le LDD mais aussi le traditionnel CDNV sont désormais, certes avec mille divergences, “confédéralistes” à deux (les deux communautés) tandis que le VLD s’affiche “confédéraliste” à trois (via les régions) et qu’au SPa Johan Vande Lanotte déclare “que si la Belgique devient confédérale, il n’en fera pas une maladie…”. Un peu d’ailleurs à l’instar du PS qui considère que si “certains veulent appeler ainsi un fédéralisme qui va plus loin, eh ben pourquoi pas…”
Bref, constatant que, politiquement, sa dialectique devenait hasardeuse pour les prochaines négociations, Joelle Milquet a sans doute adopté, pour s’en sortir, la technique dite de la “triangulation”, très à la mode dans le discours politique.
C’est simple : on reprend le vocabulaire de l’adversaire, mais on brouille son discours en mettant le souk dans son concept préféré.
Donc, Joelle Milquet utilise soudain à son tour, volontairement ou inconsciemment, le mot “confédéralisme”, déjà si flou, donnant déjà lieu à tant d’ambiguités, pour le marier antinomiquement au mot “coopération”.
Bref, pour un peu, le “(con)fédéralisme de coopération” verrait à nouveau le belge sortir tout heureux du tombeau. Alors que, tout de même, dans l’esprit des flamands, le confédéralisme cela signifie généralement que la Belgique fédérale ne serait plus qu’un lien entre les Régions, la rue de la Loi se chargeant juste de ce que les entités fédérées ne savent pas faire : armée, monnaie…
Après le “fédéralisme de prospérité” du PS (succédant à la formule du “fédéralisme radical” longtemps employée par les mêmes socialistes), voici donc que le concours Lépine du vocabulaire politique nous produit le “confédéralisme de coopération”.Ou, en version light, le "fédéralisme de coopération". Un déguisement en mots aussi crédible que le "fédéralisme interlectrocuté ", le "confédéralisme superglue" ou- restons sérieux mais pourquoi pas ? - le "fédéralisme centripède "?
Y’a pas à dire : c’est beau, l’inventivité.
nb : un autre mot favori, récurrent et bien curieux de la présidente du CDH, c'est le mot "rapatriement" pour ce qui est des communes à facilités. Oui, rapatriement. Littéralement: renvoi dans sa patrie.