Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

lundi 31 mai 2010

LES TROUBLES DE L’ELECTION(31)/ ANALYSE DES “CLIPS” DE CAMPAGNE : POURQUOI L’EXERCICE EST SI DIFFICILE ET LE CRU 2010 PEU REUSSI…

Pour un parti politique, les “clips” de campagne font partie des devoirs obligés.
Et sont tout sauf à négliger, vu leur excellente heure de diffusion, classiquement proche des Journaux télévisés.
Dans l’histoire du marketing politique, ces petits films ont peu à peu succédé, dans les années ‘80, aux poussiéreuses tribunes électorales concédées et enregistrées dans un studio déshérité de la RTBF.
Ou l’on voyait un responsable de parti placer son discours soporifique entre une plante verte, un bureau Meurop et un simili-journaliste aux questions très impertinentes. (Genre, “quelle action fabuleuse Votre Grandeur compte-t-elle mener pour “… (ici, prendre un quelconque marronnier électoral : l’emploi, les indépendants, la sécurité, l’agriculture, la bien entendu ferme défense des francophones…)
Le genre est ardu et délicat: faut scénariser des thèmes pas évidents (relire les marronniers) qui dépassent l’entendement pour tout professionnel publicitaire lambda, faire de la belle image et –c’est la clé absolue du genre- créer, musique aidant, une émotion, à tout le moins un petit emballement du coeur.
Ce qui suppose du talent à pas mal de niveaux, une distance par rapport au militantisme qui fait rage dans les structures de chaque parti ainsi que de ne pas trop lésiner sur le budget.
D’autant plus qu’au jour d’aujourd’hui, ces “clips” (le mot consacré est né du phénomène des clips musicaux et de la mode MTV…) servent à propagander la bonne parole et la belle image sur le Net , WebTV et autres sites youtubés…
Donc, au fil des élections, on a vraiment vu de tout. Du bon, du moins bon, du foirage total, de l’Eurovisionnesque politique ou juste du très simple parfois miraculeusement, s'il y a une bonne idée, efficace.
Avec, en toile de fond pour le président de parti du moment, toujours un choix de base redoutable : va—il ou non, dans cet espace -qui parfois l’ennuie plus qu’il ne l’arrange - placer d’autres candidats de son parti ? Et si c’est son choix, lesquels ? Des femmes bien sûr, mais après ? Dangereux de faire plaisir à M. Coussi mais déplaisir à M. Coussa?
Comme le disait Alain Mathot dans les  coulisses d’un bal pour pensionnés : ” Mon père m’a toujours dit : ne pas danse avec l’une, sinon tu dois danser avec toutes…"
Un risque évité, pour ce cru 2010, par le PS et Ecolo (qui ne font apparaître aucun candidat), mesuré par le CDH (dont les chefs de file sont assez évidents) mais plus clairement pris par le président des clans du MR, ce style de film panorama-des-candidats étant il est vrai une tradition, un grand classique de la communication libérale depuis des lustres.

AU MR, les nominés chargés de placer les diverses “garanties du respect” aux côtés de Reynders devant le Perron sont donc, pour les férus du décryptage des influences au bd de la Toison d’Or, la dauphine Sabine Laruelle (devant une ferme avec vachequirit, un collier dûment bleuté autour du cou), Pierre-Yves Jeholet (sans toque de cuisinier), Philippe Collard (carrément devant un… tank pour parler sécurité), Olivier Chastel, Dominique Tilmans (en foulard très zoutant sous le vent…), la liégeoise Kattrin Jadin, Armand De Decker (double passage, rien n’est innocent…) Fatoumata Sidibe, Corinne de Permentier (de loin la plus jolie robe fleurie),Willy Borsus, Richard Miller (dont la chemise ignore le célèbre fer à repasser Calor)  Charles Michel et papa, “un homme d’Etat” (c’est le slogan dégainé par Louis, double passage visuel itou) voulant faire “respecter les pouvoirs du Roi”. On notera qu’Olivier Maingain n’y fait, pour le FDF, qu’un seul passage, d’ailleurs assez discret. (faut regarder le clip MR-FDF : physiquement, le bourgmestre de Woluwé pourrait nous jouer un assez bon Léon Morin )
Mais si c’est donc assez pro, si chaque arrondissement se sentira représenté, c’est là pourtant du “ clip” sans grande âme. On parle enseignement devant une école, du Roi devant le Palais Royal, et le reste des mises en situation convenues à l’avenant. C’est de la pub “meubles Mahieu”: du vrai de chez vrai, du brut de pomme, des images fortes pour électeurs catalogués un peu trop crédules.

AU CDH, cette fois, on a par contre mis les grands moyens.
Une idée, de la très belle image et, derrière, un réalisateur qui connaît assurément son métier.
Avec de beaux effets floutés quasi hamiltoniens et, surtout, des personnalités politiques très bien dirigées dans leur jeu d’acteur momentané.`
Regardez “le "clip" CDH  et suivez tous les regards inmanquablement perdus dans la profonde réflexion, comme s’ils venaient tous juste de lire d’une traite la biographie de Proust revisitée hard par Michel Onfray.)
Le hic c’est qu’avec le très joli visuel Cédéhache, on n’est plus vraiment dans la communication politique mais dans un téléfilm vraiment, vraiment too much.
Un authentique feuilleton avec tous les personnages stéréotypés du genre : le grand père qui rassure avec le prof Delperée remuant ses souvenirs de prof constitutionnel dans son dynamique transat ; Melchior Wathelet en séducteur gentil dessinant main dans la main avec la charmante Sylvie Roberti ( là, on se demande sur le coup s’ils se sont bien rendus compte qu’ils tournaient en fait dans une pub pour Meetic… ), Benoît Lutgen en chemise blanche, jeune premier et mâle décideur à la voix grave. C’est bien fichu mais trop c’est trop: l’image, la musiquette romantique tristounette pianotée, la voix off qui se fait mièvre, c’est vraiment de la saga feuilleton télé d’été, ça.
Et s’il n’y avait la grosse faute de rythme des enfantins dessins très neuneus, (dans le genre sentimental, l’aurait plutôt fallu du joli fusain, non ?) et le petit discours endeuillé de Joelle Milquet (comme si elle nous annonçait le triste décès de sa Belgique), on se croirait littéralement dans “Amouuuur, gloire et beauté”. (on prend juste cet exemple un peu démodé pour être sûr que Francis Delperée nous comprenne…)

AU PS, là, bingo, bongo, on vire carrément au tirage de la Loterie Nationale. Avec un flot ininterrompu de boules rouges qui dégringolent sur notre écran jusqu’à l’indigestion visuelle.
Un déluge ininterrompu d’images toutes faites en boîte et de slogans parfois boiteux. Là, ça sent les bouts de ficelle. Là, çà fait très film de pub pour PME qui aurait pas vraiment les moyens. Bref, de l’assez grosse pub sloganique à l’ancienne, qui vire carrément kitsch à force de taper en surimpression des formules-clé au lettrage menhirien sur le ciel de la Grand Place de Bruxelles, le cours de Meuse ou encore la botte de paille de l’agriculteur un brin demeuré à l’âge de la pierre pas Marshall 2.0 verdache du tout, moi pas être au courant par Rudi…
Et on vous passe ( “parce que nous aimons vibrer”) ces supposés jeunes wallons faisant plateau-télé-jupiler affublés de chapiats juste légérement grotesques. ( çà tiendra p’t’être juste la route lors des finales de la Coupe du Monde de foot, mais…)
Et on atteint le sublime kitschissime lorsqu’en finale, c’est un soleil PS rougeoyant à l’instar du drapeau japonais qui vient vous illuminer de mille rayons.
Impérial, vraiment.

-CHEZ ECOLO, là, dans un tout autre genre, c’est finalement encore pire puisqu’il n’y a même plus de contenu politique. Du moins dans la video momentanément affichée par Ecolo en attendant, dit-on, le "clip" officiel. (on leur rappelle qu'on vote dans 13 jours...)
Regardez le "clip" : c’est néant.
On sait juste au moins à quoi sert Jean-Claude Defossé  égaré jusqu'à l'ennui chez les Verts, lui qui se fait pour le moins discret -c’est un bel euphémisme- au Parlement bruxellois.
Juste à jouer de son image si ancrée dans la mémoire des belges pour nous refaire une petite mise en scène-promenade dans Mini-Europe, à l’instar de ce qu’il nous mitonnait dans “Question à la Une” ou “ Les grands travaux zinutiles”.
Et si c’était subliminal ? Et si ce petit film discret, où Ecolo n’apparaît vraiment qu’à travers un bulletin de vote glissé in fine par Defossé dans une urne bricolo-ecolo, était précisément monté juste pour égarer encore un chouia, le temps d’un scrutin, le télespectateur ? Info politique ratée ou intox calculée et assez culottée-pyjama ?