Joelle Milquet n’a, dans le fond, qu’un seul véritable allié en Flandre: Vital Haeghebaert, un original aux allures un brin clochard, qui a déposé une liste dont l'acronyme est son prénom et signifie Vrijheid (Liberté), Intimiteit (Intimité), Thuis (à la maison), Arbeid (Travail) et Liefde (Amour). Mais dont le programmeke unitariste et belgicain est le seul à coller tip et top au slogan “ L’Union fait la force” du CDH. Une approche qui, comme le rappelait l’autre soir Steven Samyn du “Standaard” au micro de Fred Cauderlier, est totalement marginale en Flandre.
Si l’avenir politique de Vital est donc hautement utopique, celui de Bart De Wever, le président de la NVA, est florissant, puisqu’il relaie le décevant Yves Leterme dans le rôle de grand leader populaire du Nord du pays.
Un historien redoutable que je surveille attentivement depuis lurette –cette fixette psypolitique n’allant pas sans susciter parfois quelque moquerie chez mes amis de “Sans langue de bois” (Bel-RTL)- ne fut-ce que parce que la ligne dure mais cohérente de son parti présentable autant que responsable depuis qu’il se positionne de plus en plus au centre (la NVA participe au gouvernement flamand) fait s’évaporer progressivement le Vlaams Belang et fragilise l’Etat CD&V. Aujourd’hui représenté par la modérée Marianne Thysen (qui passe son temps à tenter de faire dire à De Wever s’il est ou non séparatiste), un brin menacée d’être vite renvoyée aux poires par son aile dure si sa stratégie oraisonfunèbre le 13 juin..
Mais le mérite tout récent de Bart De Wever, c’est, au travers du congrès de la NVA et de l’interview décapante accordée à “La Libre” (19/05), d’avoir soudain révélé aux électeurs francophones que leurs partis leur parlaient d’un peu de tout –ils en arriveraient à meubler en débattant du talent de Apichatpong Weerasethakul…- mais les amenaient par le bout du nez dans une campagne électorale très déconnectée des réalités.
Non seulement à travers leur communication pour ce qui est de l’économique et du social (le mot “prospérité”, si riche en promesses induites, si presque incongru, est bizarrement top mode : “Vers une nouvelle prospérité” pour Ecolo, “Fédéralisme de prospérité” pour le PS…) où les analyses un peu rudes du Bureau du Plan sont quasi gommées du débat, presque balayées d’un revers de tract, histoire de ne pas déplaire à l’électeur. Pour rappel, l’effet boule de neige, réenclenché depuis 2009, ferait repasser la dette publique au-dessus de 100% du PIB dès 2011, la hausse du chômage serait au maximum en 2012 (+ 128.000) et il y aura un gros sacré paquet de milliards à saquer d’ici 2015.Même si, pour d'aucuns,la chute de l'euro, qui dopera les exportations belges, est un élément finalement plus positif qu'on ne le présente...
Même processus pour ce qui est du communautaire: alors que Bart De Wever, qui communique au Sud sans grand double langage, appelle un chat un chat, alors qu’il rappelle que la Flandre avance étape par étape- tous partis confondus même s'il y a de très sensibles nuances- les leaders francophones contournent ou esquivent toutes les questions précises sur ce qu’ils demanderont, eux, ou régionaliseront, eux, demain pour “rénover l’Etat”. Etant entendu à les en croire que, cela fait, les problèmes communautaires seront censés être une fois de plus définitivement derrière nous…
“Il ne faut surtout pas provoquer du côté francophone, car ce serait favoriser les extrêmes au Nord…” a communiqué dimanche Elio Di Rupo, martelant qu’il fallait faire“confiance aux progressistes de Flandre” pour un accord raisonnable. Un coup d’oeil aux chiffres de Spa et Groen rappelle le poids des dits progressistes : 22% à peine. (15,27% pour le Spa et 6,77 pour Groen aux régionales 2009).
On-nous-dit-rien-on-nous-cache-un-peu-de-tout-parce qu’il faudrait préalablement attendre que tombent, le 13 juin au soir, les choix des flamands.
Sous-entendu, la NVA sera-t-elle portée par une vaguelette ou un tsunami ?
Sous-entendu, le CD&V, si raisonnable, si partisan d’une Belgique itou stable que celle du slogan PS, sera-t-elle peu ou prou punie, peu ou prou confortée ou déstabilisée ? Et dans ce jeu, aucune porte n’est fermée: Bart De Wever affiche sa volonté de scission de la Sécurité Sociale – ce qui signifie la fin de toute solidarité nationale – mais on ne lui claquera pas déjà la porte au nez : on ne sait jamais.
Des propos de Bart De Wever curieusement bien reçus par pas mal de francophones :
c’est que la clarté de son discours, qui tranche par rapport à la communication de mignardises des partis francophones, passe bien. Et qu’on ne serait pas surpris si des francophones de Bruxelles-Hal-Vilvorde, atteints d’une sorte de syndrome électoral de Stockholm, votaient NVA…
Comme le disait avec raison le politologue Pierre Verjans, la NVA, fut-elle “très exigeante”, pourrait être “un partenaire de négociation amical” . Qui, de plus, ne s’opposerait pas à un Premier francophone et qui, en outre, a chassé déjà les libéraux du gouvernement flamand…
Très étrange situation en tout cas: comment l’électeur francophone peut-il choisir pour quel parti il va voter si les leaders francophones ne disent presque rien du concret de la rigueur à venir et annoncent tous attendre les résultats du 13 juin en Flandre pour préciser la position qu'ils prendront…