C’est assurément un des problèmes les plus tangeants à traiter en communication : comment un politique doit-il réagir face à une perquisition ou une inculpation qui le touche, directement ou indirectement ? Les techniques sont multiples: faire le gros dos, contre-attaquer et crier au complot, laisser les déclarations aux avocats, organiser une conférence de presse pour dire “sa vérité”, faire appel aux alliés (Laurette Onkelinx hier à propos d’Alain Mathot : “Il y a eu une lettre anonyme, il y a plus de 600 jours, et c’est juste avant les élections qu’on fait ça. Franchement, il y a quelque chose qui ne va pas"), banaliser l’événement, l’annoncer soi-même ( technique Modrikamen, le président du PP révélant lui-même son inculpation pour faux, usage de faux et blanchiment) confier le dossier à une quelconque instance morale, en rajouter crânement une couche… ( le célèbre “Allez vous faire foutre avec l’éthique” de Richard Fournaux). Chacune avec son efficacité de communication relative car, quand le mal est fait, on ne peut, en cette société de haute médiatisation, que tenter de l’atténuer. Cette fois, avec les récentes perquisitions de Liège et Mons, on a vu, fait notable, deux Procureurs Généraux (Mons et Liège)sortir de leur réserve et ramener eux-mêmes à des proportions légales un effet médiatique délicat à 20 jours d’un scrutin législatif. "Chaque fois qu'un homme politique est concerné, on en fait une publicité absolument éhontée et donc, c'est ce phénomène-là que je dénonce. On peut causer un tort considérable aux personnes qui sont concernées et qui ne le méritent pas" a déclaré notamment le liégeois Cédric Visart de Bocarmé qui a décidé mâlement de faire rechercher la fuite trahissant le “secret professionnel”. N’était-ce pourtant pas déjà à Liège que, jadis, un autre Procureur s’était exclamé : “ Les fuites, c’est fini, fi-ni !”
Louable souci donc mais qui équivaut à rêver éveillé debout si l’on sait le ramdam que toute descente du genre produit dans des bureaux ou lorsqu’on connaît les relations souvent très étroites entre journalistes judiciaires (j’en fus, il y a lurette) et policiers …
L’élément-clé d’appréciation est en fait assez cynique. La bonne question est : mais quel est le climax politique du moment ? Y aura-t-il volonté d’utilisation ou non ?
En 2007, Didier Reynders et le MR avaient littéralement fait campagne électorale en pilonnant jour après jour au napalm bleu tous les legos judiciaires de l’affaire de la “Carolo”. En 2010, le MR ne pipe plus un mot, plus une syllabe, sur ce thème politico-judiciaire et place même, en deuxième position sur sa liste bruxelloise, Corinne de Permentier, pourtant récemment inculpée de faux en écriture par fonctionnaire, usage de faux, escroquerie et prise d'intérêt. “ Légèrement inculpée” a justifié Armand De Decker, confondant cet acte juridique avec la cuisson barbecue.
Il est vrai que la sympathique De Permentier est une machine à voix et que le MR en a aujourd’hui besoin comme jamais, ne fut-ce que pour faire contrepoids interne face à l’efficacité bruxelloise du parti-frère FDF.
Une chose est certaine, c’est que l'ingénieuse “solution-tampon de la soupape ", c’est à dire celle de la Commission d’Ethique interne au parti concerné, est en passe de faire vraiment long feu. La Commission de concertation et d'arbitrage du MR, dans l’affaire Fournaux, a eu bien du mal à faire passer pour un “pas de côté” la décision du bourgmestre de Dinant de se mettre en congé de ses fonctions internes au MR et au MCC, ce qui pesait presque aussi lourd que si on lui avait confisqué sa carte “Happy Days"…
Et on attend toujours les conclusions, dans la controverse autour des activités contestées du clan Daerden, des travaux se “déroulant à leur rythme”, du Comité d’Ethique du PS.
Il est vrai que ce genre de Comité moral interne coince plus un Président de parti qu’il ne l’aide. Mettez-vous un instant à sa place :
- soit il blanchit impeccablement le membre mis en cause et risque d’être bien embêté, accusé d’avoir couvert l’intéressé, si celui-ci se retrouve soudain en prison ou renvoyé devant un tribunal…
- soit il se fait accusateur, prend une sanction forcément “exemplaire”, crée d’inévitables remous internes et risque d’être très embêté si la justice, mieux informée, décide qu’il n’y a pas de quoi fouetter un chat…
Voila pourquoi, il n’est finalement, en cette matière délicate, qu’une communication certes un peu cynique, certes vieille comme le monde, mais la seule un peu efficace et raisonnable pour une formation politique. Prononcer encore et encore le classique des classiques: “ Laissons faire la Justice !”