Raser gratis ? Cette expression viendrait d'un barbier qui avait placé jadis une pancarte proclamant ladite formule…Mais notre artisan, tout aussi fûté que près de ses sous, l'y laissait tous les jours. Par conséquent, le naïf qui, le lendemain du jour où il avait vu la pancarte pub, venait se faire raser ou couper les cheveux et qui s'étonnait de devoir quand même payer, s'entendait répondre : "Oui, mais il y a écrit que c'est demain que c'est gratuit !". Aujourd’hui encore, notamment en politique, les promesses des personnalités en vue n'engagent que ceux qui les écoutent sans faire appel à leur libre-examen…Ce n’est pas le cas ici. Où on s'efforce plutôt de manier le mot à couper la langue de bois .

mardi 18 mai 2010

LES TROUBLES DE L'ELECTION (13)/ LE SLOGAN PS : EN COM, UNE ERREUR ORIGINALE VAUT TOUJOURS MIEUX QU'UNE VERITE BANALE

C’est étrange : le PS a sans doute le plus banal de chez banal des slogans mais il va redevenir le 13 juin le premier en Wallonie.
Quand on a découvert, le 1er mai, cette petite phrase clouéecollée sur le pupitre d’Elio Di Rupo - “ Un pays stable - des emplois durables”- on s’est dit que c’était là une phrase un peu passe-partout ad hoc 1er mai, le genre de truc qui fait plaisir aux militants, qui s’affiche un temps pour l’occasion et qui s’oublie aussitôt les drapeaux roulés pour un an.
Ben non, c’était déja le choix définitif pour toute la campagne.
Et c'est somme toute dans la lignée du déjà plus percutant mais déjà par trop longuet : “ Nos actions profitent à tous, nos valeurs ne sont pas cotées en Bourse”. Perso, en sachant pertinemment que faire adopter un slogan par des responsables politiques est toute une aventure, on enthousiasme pas trop pour ce genre de formules à tiroirs : un-pays-stable-des-emplois-durables…
En communication, ça ne donne jamais grand chose de nectar plus ultra, ça engendre plutôt des courts-circuits, l’accouplement des concepts.
Je connais bien les couloirs du Bd de l’Empereur: et j’imagine déjà le caucus. Untel dit qu’il faut abso-lu-ment parler de stabilité puisque les gens sont inquiets pour la Belgiiiique, un autre en rajoute et dit qu’il faut évidemment aborder le thème vitaaaaaal de l’emploi, un troisième, genre peu ou prou Claude Eerdekens, est irrité par la concurrence des Zécolos et insiste pour qu’on n’oublie pas d’être un peu vert et surtout duraaaable… Et un quatrième rappelle qu’il faudra penser à coincer ouais Reynders avec la grande fraude fiscale… Quant au cinquième, il est toujours vexé parce qu’on lui a refusé d’ajouter un mot pour les agriculteurs. Ou la FN. Ou les colombophiles de la paix.
Voila pourquoi votre fille est muette et pourquoi ce slogan, dont nul ne peut évidemment contester les louables objectifs, ne laissera guère de trace dans l’histoire de la com’ politique en Belgique.
C’est un peu comme les questions au concours Miss Belgique : genre “ Zêtes pour ou contre la cruauté envers les animaux ? “
Un slogan, ça doit frapper, toucher.
C’est quelque part un genre littéraire: c’est pas loin de la comptine, c’est presque de la poésie.
Cela doit sauter à l’oeil et à l’oreille, s’apparenter à l’esprit et à l’inconscient.
Il sera, s’il est bon, véhiculé, répercuté, moqué, déformé.
Il doit en fait, s’il est bon, pouvoir presque vivre sa propre vie.
Un slogan plat ne fait, bien sûr, jamais perdre de voix à aucun parti: il empêche juste d’en grapiller en sympathique périphérie…
En la matière, une erreur originale vaut toujours mieux qu'une vérité banale.
Sur le site très développé du PS – sur ce point, le PS est un des partis qui ont le plus investi dans la com internet…- on pouvait il y a peu découvrir et voter pour classer une kyrielle de phrases idéalistes et généreuses destinées à commémorer les 125 ans du dit parti socialiste. C’était sympa, mais aucune n’était clairement utilisable pour une campagne.
C’est que le militant, quel que soit le parti, a souvent des oeillères et ne comprend guère que le but même de la communication, surtout en période électorale, c’est d’élargir sa base. Et que là, le dico des progressistes ne suffit plus à faire mouche. Cette constatation vaut itou pour les socialos flamands, centrés davantage sur l’action sociale (la question des pensions “mal gérées par Daerden” est leur cheval de bataille), et dont le slogan “Samen vooruit”, entendez “Ensemble en avant” (grrr,encore le mot ensemble…) est encore bien plus plattekeis.
Le PS, en se recentrant sur des valeurs très socialistes, en axant sa com sur la contestation du pouvoir économique, vise à faire le plein de son core business mais n’élargit guère son terrain électoral. Et ce qui frappe aussi, dans la communication électorale du PS, c’est qu’elle se garde plutôt désormais, au delà de la rassurante formule “un pays stable”, de mettre en avant ses revendications pour ce qui est du combat francophone et wallon. Je lisais (17/05), dans la “Dernière Heure”, une interview de Laurette Onkelinx ou elle lâchait : “ André Cools était un fédéraliste convaincu et le fédéralisme approfondi vers lequel nous nous dirigeons lui conviendrait sûrement”. Approfondi comment ? Dans le programme électoral du PS, un document très fouillé de 169 pages - puisque le parti d’Elio Di Rupo a de très loin le meilleur Centre d’Etudes politique francophone- on ne trouve en effet que… trois pages rappelant les positions communes francophones et définissant plus ou moins le concept flou du “fédéralisme de prospérité” .
Or le PS a toujours eu, en communication, deux fers au feu plus ou moins rougis selon les circonstances: protéger socialement l’homme de la rue (le traditionnel “bouclier” socialiste, habilement plus brandi que jamais en 2009 et 2010 avec la
crise) et rester en pointe du combat wallon et francophone fut-ce pour n’être “demandeur de rien”. Pour l’heure, le coq du PS s’est fait, en communication, quelque peu discret. Au grand dam de sa tendance régionaliste wallonne, fut-elle assez atone. Au risque, en stratégie de com, de revitaminer un brin le MR, quelque part tout de même aussi le parti d'Olivier Maingain.
Et chacun sait que la maison est un peu à l'envers lorsque la poule chante soudain plus haut que le coq.